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1952 - Trentenaire de Combegrasse
 
En 1952, l'Aéro-Club d'Auvergne, en collaboration avec l'hebdomadaire Les Ailes, a organisé une grande manifestation pour commémorer le 30e anniversaire du Congrès expérimental de vol sans moteur de Combegrasse. Cette manifestation est ici relatée à partir des articles publiés par Les Ailes.


SOMMAIRE

Annonce de la Coupe des Ailes du Trentenaire
Les dernières nouvelles avant la commémoration
La journée de commémoration : 3 août 1952
Les prix de la Coupe

La Coupe du Trentenaire
Les Ailes n° 1371, 10 mai 1952
Dans son numéro 1371 du 10 mai 1952, l'hebdomadaire Les Ailes annonce la commémoration du trentenaire du Congrès expérimental de Combegrasse, et pour cette occasion, la création d'une "Coupe des Ailes du Trentenaire".

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Cette année marquera une date importante dans l'Histoire du Vol à Voile français : celle du trentième anniversaire du premier concours qui ait été organisé en France ; c'est, en effet, en 1922 que l'Association Française Aérienne et l'Aéro-Club d'Auvergne, avec le concours des « Ailes » organisèrent à Combegrasse, dans le Puy-de-Dôme, le Premier Congrès Expérimental d'Aviation sans Moteur. C'est au cours de cette manifestation que Lucien Bossoutrot établit, sur planeur Farman, le premier record français de durée en vol à voile par 5 minutes 18 secondes,,,

Les organisateurs du concours de Combegrasse ont décidé de commémorer ce trentième anniversaire.
Une réunion aura lien Ie dimanche 3 août prochain, à Combegrasse même, où seront conviés à se rendre tous ceux qui, à un titre quelconque, ont participé à la manifestation de 1922.
Le programme est en cours d'élaboration à l'Aéro-Club d'Auvergne. En attendant qu'il soit définitivement arrêté dans ses détails, on peut dire, dès aujourd'hui, qu'il comportera une compétition, véritable rally-planeurs dont on trouvera plus loin le règlement. «Les Ailes » doteront ce rally-planeurs d'une Coupe et 25.000 francs de prix lui seront affectés.

LE REGLEMENT

Article Premier - A l'occasion du trentième anniversaire du concours de Combegrasse, le journal « Les Ailes » institue, avec le concours de l'Aéro-Club d'Auvergne et de l'Association Française Aérienne, une Coupe des «Ailes » du Trentenaire, ouverte aux appareils sans moteur de la classe D (planeurs). Cette coupe sera attribuée au pilote, de nationalité française qui, à bord d'un planeur, atterrira le dimanche 3 août 1952, au pied du Puy de Combegrasse (Puy-de-Dôme) entre 11 heures et 16 heures, en ayant parcouru sans escale la plus grande distance. Au cas où plusieurs concurrents, partant du même terrain et se posant à Combegrasse dans les limites indiquées à l'article 3, auraient couvert la même distance, les prix seront attribués, dans l'ordre, à celui qui aura réalisé la plus grande vitesse moyenne entre le moment du décollage et celui de l'atterrissage.

Art. 2 - Le départ pourra être pris sur n'importe quel terrain, situé sur le territoire métropolitain français, pourvu qu'il soit situé à une distance égale ou supérieure à 20 km de Combegrasse. Avant de prendre le départ, les concurrents devront aviser le commandant du terrain de départ, et s'assurer son contrôle ou celui d'un Commissaire de l'Aéro-Club de France. L'un ou l'autre visera la feuille du barographe et plombera le dit barographe. Il établira un procès-verbal, indiquant les noms et prénoms du pilote, la marque de l'appareil, la désignation du terrain de départ, l'heure du départ et les conditions de ce départ. Le départ, en effet, pourra être pris par n'Importe quel mode de lancement ; toutefois, en cas de départ par avion remorqueur, l'altitude de largage ne devra pas être supérieure à 500 m et le planeur, une fois largué, devra passer en vol libre, à la verticale des limites du terrain.

Art. 3 – A l'arrivée à Combegrasse, le point d'atterrissage recommandé sera Indiqué par un panneau blanc. Le planeur devra se poser dans un rayon inférieur à 1 km de ce point. L'arrivée sera contrôlée par des commissaires désignés par l'Aéro-Club d'Auvergne, habilités pour procéder au déplombage du barographe et en retirer le barogramme.

Art. 4 - - Dans un délai de huit jours, soit avant le 11 août 1952, le concurrent devra avoir fait parvenir au journal «Les Ailes», 77, boulevard Malesherbes à Paris-8e, l'attestation de départ prévue à l'article 2.

Art. 5 – Le pilote qui aura pris le départ du terrain le plus éloigné, en ligne droite, de Combegrasse et atteint le but dans les conditions indiquées précédemment, après un vol sans escale, recevra la coupe des «Ailes» du Trentenaire et, eu outre, une prime de 15.000 francs en espèces ; le pilote classé second recevra une prime de 10.000 francs.

Art. 6 – Les engagements devront être établis sur une formule spéciale et parvenir au journal « Les Ailes », 77, boulevard Malesherbes, Paris-8e, au plus tard le vendredi 18 juillet 1952 à 16 heures. Ils ne comportent aucun droit.

Art. 7 - Le journal « Les Ailes », l'Aéro-Club d'Auvergne et l'Association Française Aérienne déclinent toute responsabilité pour les accidents et dommages qui pourraient être causés par les partlcipants à eux-mêmes ou aux tiers. Ceux-ci sont, en outre, responsables de l'inobservation de toutes prescriptions légales. Le seul fait de s'engager implique l'acceptation du présent règlement et de cet article 7 en particulier. "
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Combegrasse, tel qu'il &tait en 1922, tel que nous l'avons retrouvé dimanche (3 août 1952) [Les Ailes n° 1384, 09 août 1952]
Au milieu, en arrière-plan, le Puy de Combegrasse, au sommet arrondi, et en avant à droite le Puy de Boursoux.
 

Le dessin « Oser » ci-contre est accolé aux titres des articles des Ailes consacrés à ce Trentenaire.

Ce dessin, en 1921-1922, figura sur tous les documents relatifs à l'organisation du « Premier Congrès Expérimental d'Aviation sans Moteur » qui désignait le concours de Combegrasse. Il avait pour auteur Maurice VICTOR.

La devise « Oser » était celle de Louis-Pierre MOUILLARD. Rappelons que le village de toile installé à Combegrasse pour la durée du Congrès expérimental de 1922 avait été baptisé "Camp Mouillard".

 

Les derniers préparatifs
Les Ailes n° 1382, 26 juillet 1952 / Les Ailes n° 1382, 26 juillet 1952

" Encore quinze jours et les « anciens » de Combegrasse se trouveront réunis sur le lieu même du concours de 1922 pour fêter le trentième anniversaire de celui-ci. Dès à présent, le grand vainqueur du premier concours français de Vol à Voile, Lucien BOSSOUTROT, nous a assuré de sa présence, le 3 août, à Combegrasse. Son co-équipier de l'époque – comme Bossoutrot, il pilotait un planeur Farman – Louis PAULHAN sera également des nôtres.

Soulignons un joli geste de Louis Paulhan : il nous a envoyé un chèque de 10.000 fr. pour en affecter le montant à la commémoration du concours de Combegrasse ! Nous indiquerons, la semaine prochaine, les conditions d'attribution du prix généreusement créé par Louis Paulhan.
Par ailleurs, l'Aéro-Club d'Auvergne nous annonce la création, par M. Jean BRELURUT, d'un prix de 5.000 fr., en souvenir de son fils tué au service du Vol à Voile. Le prix René-Brelurut sera attribué au premier concurrent faisant partie d'un club rattaché au Comité Régional et qui occupera la meilleure place dans la Coupe des « Ailes » du Trentenaire.

Parmi les as de 1922 qui ont annoncé leur venue à Combegrasse, citons encore Georges BARBOT, le pilote des planeurs Dewoitine qui, lui, fêtera en 1953, le quarantième anniversaire de son brevet de pilote. Eric NESSLER sera également là, à un double titre : comme pilote du concours de 1922 et comme représentant de M. Edmond CORNU, directeur du S.A.L.S., qu'un voyage à l'étranger empêchera d'être à Combegrasse le premier dimanche d'août. Enfin, parmi les anciens de Combegrasse, et en dehors, bien entendu, de la sympathique équipe de l'Aéro-Club d'Auvergne, avec naturellement Gilbert SARDIER en tête, on relève, parmi les premiers inscrits : Georges ABRIAL, E.-H. LÉMONON, Maurice VICTOR, Charles DOLLFUS, Henry LE BOLOCH, Maurice ROUSSET, Marcel RIFFARD, etc, qui tous étaient déjà à Combegrasse il y a trente ans.

Six planeurs disputeront la Coupe des « Ailes » du Trentenaire :
1. Georges Abrial, avec départ d'Aulnat ;
2. Hubert Garrigue (ou Marcel Bon), au titre de l'Aéro-Club d'Auvergne, sur planeur Nord-2.000, avec départ d'Aulnat ;
3. Max Ruby, de l'Aéro-Club de Moulins ;
4. Albert Grand, au titre de l'Aéro-Club du Limousin, sur planeur Nord-2.000, avec départ de Limoges-Feytiat ;
5. Jean-Pierre Paillard, sur planeur Castel-311.P, avec départ de Roanne (terrain de Bois-Combray) ;
6. Yves Desbenoît, sur planeur Nord-2.000, avec départ de Roanne (terrain de Bois-Combray).

Un septième planeur participera au Rally de Combegrasse. Son engagement a été transmis directement à l'Aéro-Club d'Auvergne. C'est celui de l'Inter-Club Aéronautique du Centre – le groupement du sympathique Guy ALAJOUANINE – un 311-P que pilotera M. BIANCOTTO.

Souhaitons que les conditions aérologiques soient favorables le 3 août et permettent aux planeurs de venir se poser sur le lieu des exploits en 1922, en franchissant au moins, en vol libre, les 20 km nécessaires pour prétendre à l'attribution de la Coupe des « Ailes » du Trentenaire et des deux prix en espèces de 15.000 et 10.000 fr. qui l'accompagnent. "

 

La zone d'atterrissage des planeurs [Les Ailes n° 1380, 1952-07-12]
Zone hachurée au sud du Puy de la Toupe
 

3 août 1952 : La journée de commémoration

Nous reproduisons intégralement l'article de Georges HOUARD publié dans Les Ailes n° 1384, 09 août 1952, décrivant en détail le déroulement de cette journée exceptionnelle.

" Le trentenaire de Combegrasse…
… a été célébré en présence de Lucien Bossoutrot, Louis Paulhan, Gilbert Sardier, Georges Barbot, Eric Nessler
A défaut de rally aérien, la commémoration du trentième anniversaire du concours de Combegrasse, qui fut le premier concours international de vol à voile organisé en France et même dans le monde – car les concours de la Rhön étaient jusque là strictement allemands et le restèrent d'ailleurs longtemps – aurait pu donner lieu à un rally automobile. Les « anciens de Combegrasse », pour être fidèles au rendez-vous, rallièrent Clermont-Ferrand à toute allure, accomplissant sur les routes encombrées, des temps records.

Et entre 18 et 19 h., le samedi 2 août, au siège si sympathique de l'Aéro-Club d'Auvergne, Gilbert SARDIER, Louis CHARTOIRE, Pierre MOULIN accueillaient déjà par un porto bienfaisant les premiers arrivants. Lucien BOSSOUTROT, venu avec M. COLLET, de l'Aéro-Club de Courbevoie, n'oubliant pas qu'il avait été le grand vainqueur du Combegrasse, avait débarqué Place de Jaude avant tout le monde, suivi de M. Roger PELLEVOIZIN et de Mme, de M. Lucien MARTIN, du S.A.L.S., de Georges ABRIAL, accouru de Marseille, où il « manageait » les Cadets américains, de Maurice VICTOR et de Mme…

Sans perdre de temps, on commença les discutages de coups et l'évocation des vieux souvenirs… Et ce premier et agréable « travail allait se poursuivre chez Louis CHARTOIRE dont la jolie demeure fut envahie par tout ce monde, accueilli d'une manière charmante par l'aimable Mme Chartoire dont la réception fut incomparable.
A près de 2 heures du matin, Lucien BOSSOUTROT, conteur infatigable et magnifique, nous tenait encore sous le charme de ses histoires…

 
A 10 heures, le dimanche, on se retrouva à l'Aéro-Club d'Auvergne.
Les rangs des « anciens s'étaient grossis de nouveaux arrivants : Marcel RIFFART et Mme avec deux de leurs fils, E.-H. LÉMONON et Mme, venus de Toulon, Maurice ROUSSET, Président de l'Aéro-Club du 14e, Éric NESSLER, accompagné de Mme et de Mlle Thérèse Nessler, le conservateur du Musée de l'Air, l'aéronaute Charles DOLLFUS et Mme, Henry LE BOLOCH et Mme et leur fils, etc.
Hélas ! le temps, lui, n'était pas de la fête : le Puy-de-Dôme avait disparu, absorbé par les nuages, le vent soufflait, la pluie tombait. Pas de chance pour la Coupe des « Ailes » du Trentenaire !
Dès 8 heures du matin, Georges ABRIAL était monté, par la route, à Combegrasse, pour reconnaître la situation aérologique. Il nous en ramenait une impression peu optimiste…
 

On partit, cependant, à l'heure convenue pour se retrouver, vers 11 heures, sur les lieux du concours historique, Gilbert SARDIER nous y avait précédé… en bicyclette ! La plupart des anciens n'étaient pas retournés à Combegrasse depuis trente ans. Dès ce moment, la réunion prit vraiment le caractère que l'Aéro-Club d'Auvergne et nous-mêmes avions voulu lui donner : celui d'un véritable pèlerinage. C'est un pèlerinage que nous entendions accomplir et c'est effectivement un pèlerinage que nous avons accompli. On gagna ensuite le hameau de Randanne, hameau réduit à sa plus simple expression, où une agréable surprise nous attendait : Louis PAULHAN venait de nous rejoindre. Le héros de l'inoubliable Londres-Manchester des heures héroïques, qui avait été l'un des pionniers de Combegrasse, avait tenu à faire, lui aussi, le pèlerinage.

On se rendit à quelques mètres de là : une stèle de lave, surmontée d'une croix, a été édifiée sur le lieu même où le 17 août 1922, Adrien FÉTU, premier martytr du Vol à Voile français, tomba avec son planeur.

Gilbert SARDIER, Lucien BOSSOUTROT, Louis PAULHAN déposèrent une gerbe de fleurs, entourée d'un ruban tricolore, au pied de la stèle.

 

BOSSOUTROT et SARDIER déposent une gerbe au pied de la stèle "Fétu", au carrefour de RAndanne [Cg63]
Éric NESSLER est un peu en arrière
Puis, Gilbert SARDIER demanda, pour le souvenir d'Adrien Fétu et de tous ceux qui tombèrent, après lui, pour le Vol à Voile, une minute de silence que toute l'assistance observa pieusement.
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A midi eut lieu le déjeuner amical prévu. Il fallut faire, dans l'auberge trop petite, deux tables, dans deux salles différentes. L'une réunissait les Clermontois : pilotes, membres de l'Aéro-Club d'Auvergne, journalistes : elle fut présidée par un « étranger », mais il était de marque : c'était Lucien Bossoutrot en personne. L'autre réunissait, autour de Gilbert Sardier et de Louis CHARTOIRE, tous les participants de 1922. Déjeuner plein d'entrain, au menu régional aussi bien composé que bien exécuté, arrosé d'un vin d'Auvergne qui méritait le succès qu'il remporta.

Au milieu du repas, une nouvelle arrivée provoqua une ovation : celle de Georges BARBOT et Mme. Georges Barbot était, on le sait, au nombre des pilotes déjà fameux de 1922 ; il accomplit, sur le planeur Dewoitine, l'un des vols les plus remarquables du concours et s'illustra ensuite par plusieurs exploits retentissants, soit à bord de ce même planeur, soit à bord de la petite avionnette qui lui succéda.

Georges ABRIAL, qui était « remonté » d'Aulnat – et qui allait y repartir – suggéra que les pionniers de 1922, ayant participé à un titre quelconque (pilotes, constructeurs, organisateurs, commissaires et techniciens) forment un groupement d' « anciens », et proposa, pour ce groupement le nom de « Vieilles-Rémiges ». On s'efforcera de faire un sort heureux à cette heureuse idée.

La nouvelle du départ d'Aulnat de M. Hubert GARRIGUE pour tenter de rallier Combegrasse en planeur mit fin à ces agapes. Il s'agissait d'assister à l'atterrissage de l'appareil…

Vers 15 heures, on repartit donc sur les pentes de Combegrasse, plus exactement sur le terrain relativement plat qui fait suite aux pentes du Puy de la Toupe. Ici, il convient de souligner un des points les plus extraordinaires de cette manifestation du souvenir : sans rien enlever au pittoresque et même à la réelle beauté de la région – bien au contraire – on peut dire que Combegrasse est situé dans un bled quasi-total. Il faut bien chercher, pour apercevoir, quelque part dans le lointain, quelque chose qui ressemble à une habitation. Or, le « terrain » fut bientôt envahi par plusieurs centaines de curieux, venus on ne sait comment, ni d'où… les uns en voiture, la plupart à pieds. Le temps s'était un peu amélioré ; mais les thermiques étaient rares, sinon absents et le vent était aussi peu favorable que possible.


Une foule nombreuse est accourue de toute la région pour assister à l'atterrissage des planeurs [Cg63] [Les Ailes n° 1387, 30 août 1952]
Le sommet le plus élevé en arrière-plan est le puy de Combegrasse.
" Peu de probabilité de voir, ce jour-là, atterrir un planeur disputant la Coupe des « Ailes » du Trentenaire en dépit des effort louables de M. GARRIGUE. Les sections modélistes de l'Aéro-Club d'Auvergne et de l'Aéro-Club de Vichy s'étaient déplacées et l'on assista aux intéressantes démonstrations de vol circulaire des petits avions de MM. POUZAT, MURON,DUBOIS, GRAZZIANO et aux évolutions des modèles de MM. DELMAS et COUSSON. M. RODIER présenta une curieuse « aile ronde », fort bien exécutée, mais que l'on regretta de ne pas voir voler faute de piste acceptable.

On devait bientôt apprendre qu'en plus de M. Hubert GARRIGUE, qui tenait toujours l'air, d'autres pilotes inscrits dans la Coupe des « Ailes » avaient également pris le départ.
C'était le cas, en particulier, de M. Albert GRAND qui, sur un planeur Nord-2.000 de l'Aéro-Club du Limousin, avait décollé de Limoges-Feytiat, en route pour Combegrasse. Hélas ! Après un vol magnifique, M. GRAND avait été obligé de se poser près d'Orcival, à une dizaine de kilomètres à peine de Combegrasse !

On apprenait de même que, de Roanne, Jean-Pierre PAILLARD, sur Castel 311-P, et Yves DESBENOÎT, sur Nord-2.000, avaient eux aussi pris le départ mais que, malgré tous leurs efforts, les conditions aérologiques s'étaient opposées à la poursuite de leur vol.

Quant à M. Hubert GARRIGUE, parti d'Aulnat sur Nord-2.000, il persévéra longtemps dans sa tentative, mais dut finalement se poser près de Theix, dans la direction de Copmbegrasse, mais à six ou sept kilomètres de là.

La Coupe des « Ailes » du Trentenaire ne fut donc pas gagnée mais les efforts des concurrents méritent une récompense et la compétition donnera tout de même lieu à un classement avec attribution de primes dès que nous serons parvenues de plus amples renseignement sur le résultat des différentes tentatives.

Cependant, grâce à Georges ABRIAL – et l'on ne saurait trop l'en féliciter et l'en remercier – la journée du 3 août ne s'est pas passée sans qu'un planeur atterrît à Combegrasse. A bord d'un C.-800 de l'Aéro-Club d'Auvergne, emmenant avec lui M. RIGAL, Georges ABRIAL décolla d'Aulnat remorqué par un Caudron « Luciole » et l'attelage parvint ainsi jusqu'à Combegrasse où le planeur fut largué. Nous avons alors assisté à un très beau vol libre qui dura une bonne vingtaine de minutes et se termina par un atterrissage impeccable. "


On reconnait BOSSOUTROT à l'extrême gauche, SARDIER à côté du planeur, et ABRIAL debout dans le poste de pilotage, réglant son appareil photo
Derrière lui, son passager M. RIGAL [Cg63]
Abrial vient d'atterrir avec son planeur Caudron C-800 après avoir été remorqué depuis Aulnat
"Georges ABRIAL compte parmi les pionniers de 1922. Il ne vola pas comme pilote au concours de Combegrasse, mais c'est lui qui dessina le planeur Levasseur-Abrial qui PITOT présenta. L'atterrissage de dimanche est, pour Georges ABRIAL, comme la consécration, ou plutôt, le symbole d'une belle persévérance technique qui s'étend sur plus de trente années. "

De gauche à droite : de face en costume noir, Armand SAUZET, secrétaire général de l'Aéro-Club d'Auvergne,
Pierre MOULIN, Georges ABRIAL, Henri LE BOLOCH, Maurice ROUSSET, Éric NESSLER,
Georges HOUARD, rédacteur en chef de l'hebdomadaire "Les Ailes" et Louis PAULHAN
Tous étaient déjà présents à Combegrasse en 1922 [Les Ailes n° 1389, 13 septembre 1952 ]

" Nous avons eu un autre spectacle de choix : l'atterrissage sur l' « aérodrome » improvisé des pentes de la Toupe, d'un biplace Mauboussin, de l'Aéro-Club de Vichy. Le pilote CHÉRY, accompagné de M. MARTIN comme passager, se posa avec aisance et une demi-heure après redécolla pareillement, nous prouvant que les petits avions, aux mains de pilotes entraînés, peuvent s'accomoder de « terrains » les moins dignes de ce nom."


Autour du planeur, Nessler appuyé sur le nez [Cg63]
"Placerons-nous la « performance » de Marcel RIFFARD parmi les exploits sportifs de cette journée ? Pourquoi pas ? Marcel RIFFARD, qui « officia » comme membre du Jury au concours de 1922 – comme Charles DOLLFUS, le Conservateur du Musée de l'Air, présent à la commémoration du Trentenaire – est le seul à avoir fait, dimanche, le pèlerinage intégral de Combegrasse !
Seul, en effet, il escalada, comme il le fit tant de fois, il y a trente ans, le sommet du Puy-de-Combegrasse… Il en rapporta une pierre comme souvenir !
Quand je pense, nous dit-il, au retour de cette ascension, qu'on lança les planeurs de là-haut, sur une pente pareille, semée d'énormes cailloux, pleine de bosses et de trous, j'en ai frémi… rétrospectivement ! Aujourd'hui, on considèrerait cela comme de la pure folie ! Et, cependant, les planeurs de 1922 partirent tous, ou presque, dans ces conditions."

De gauche à droite BOSSOUTROT, SARDIER et NESSLER [Cg63]

Tandis que l'on démontait le C.-800 pour le ramener, sur sa remorque, à Aulnat, nous redescendions nous-mêmes, par la même route magnifique qu'à l'aller, à Clermont-Ferrand où un vin d'honneur était organisé, à son siège, par l'Aéro-Club d'Auvergne. L'heure des discours était venue, ces discours qui avaient été rigoureusement proscrits au déjeuner de Randanne.
Le Président Louis CHARTOIRE rappela les évènements majeurs du concours de Combegrasse et remercia tous ceux qui avaient été les artisans de la réussite de cette fête de la commémoration. Il n'en oublia qu'un : lui-même.
Le directeur des « Ailes » souligna l'amitié qui unissait l'Aéro-Club d'Auveergne et l'Association Française Aérienne, amitié durable dont témoignait la manifestation du jour. M. Roger PELLEVOIZIN, Président de la Fédération Nationale Aéronautique, dans un exposé plein de substance, évoqua les redoutables problèmes qui se posent aux aéro-clubs.
M. POIRIER, Chef de Cabinet du Préfet du Puy-de-Dôme, exprima les compliments officiels aux pionniers du vol sans moteur, et M. NÉNOT, au nom de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Clermont-Ferrand, assura l'Aéro-Club d'Auvergne de l'intérêt que prenait sa compagnie aux efforts qu'ils déployait dans les divers secteurs de l'Aviation.
Enfin, Éric NESSLER, désigné par M. Edmond CORNU, directeur du S.A.L.S. – actuellement aux Etats-Unis – pour le représenter au Trentenaire de Combegrasse, salua, lui aussi, les pionniers de 1922 – parmi lesquels il figurait déjà au double titre de constructeur et de pilote – et plus particulièrement Lucien BOSSOUTROT, Louis PAULHAN, Gilbert SARDIER, Georges BARBOT, tous quatre présents et que l'on associa dans les mêmes acclamations.

La commémoration du Trentenaire prit fin sur cette dernière réunion. Malgré le temps défavorable à l'arrivée des planeurs, le but avait été atteint. Et c'est là le résultat essentiel que l'on doit non seulement à Gilbert SARDIER, à Louis CHARTOIRE, mais aussi à celui qui fut l'âme et le réalisateur de cette manifestation : Armand SAUZET, secrétaire général de l'Aéro-Club d'Auvergne dont le mérite a été vraiment très grand. Ajoutons à cet hommage celui que nous devons à Pierre MOULIN et à tous les autres dirigeants de l'Aéro-Club d'Auvergne.
Le soir, un petit dîner intime réunit, une fois encore, une quinzaine de participants parmi lesquels Lucien BOSSOUTROT, Louis PAULHAN, Marcel RIFFARD, Maurice VICTOR, E.-H. LÉMONON, M. COLLOT.
Et, le lendemain, à l'aube, chacun reprit la route, à toute allure…
G. H. [Georges Houard]

 

Éric NESSLER, Gilbert SARDIER et Lucien BOSSOUTROT près de la stèle "Fétu", en 1942

Dix ans plus tard (1952), les trois pionniers se retrouvent, ayant conservé le même style vestimentaire [Cg63]
De gauche à droite BOSSOUTROT, SARDIER et NESSLER
 
Les prix de la Coupe

Les Ailes n° 1389 13 septembre 1952

« Les Ailes attribuent quatre primes aux pilotes du trentenaire
Comme on le sait, nous avions institué, à l'occasion de l'anniversaire du premier concours français de vol à voile une Coupe des « Ailes » du Trentenaire, dotée de deux Prix, l'un de 15.000 fr., l'autre de 10.000 fr., qui devaient être attribués, dans l'ordre, aux pilotes qui, le 3 août, viendraient se poser à Combegrasse après avoir parcouru, en vol libre, la plus grande distance.

On sait qu'aucun des concurrents ne réussit, en raison des conditions aérologiques, à satisfaire au règlement de cette épreuve.
Néanmoins, des efforts louables ont été faits par plusieurs d'entre eux et il est juste de les en récompenser.
Aussi avons-nous décidé de répartir le montant des prix prévus de la façon suivante :
- A M. Albert GRAND, une prime de 10.000 fr. pour son parcours Limoges-Orcival de 122 km. ;
- A M. Hubert GARRIGUE, une prime de 7.500 fr. pour ses observations scientifiques et son parcours Aulnat-Nadailhat ;
- A M. BIANCOTTO, une prime de 7.500 fr. pour son parcours Montluçon-Grelière ;
- A M. Georges ABRIAL, une prime de 5.000 fr. pour sa liaison Aulnat-Combegrasse en vol remorqué.

A chacun des trois autres pilotes engagés dans la compétition du 3 août, nous remettrons, en souvenir, une médaille gravée à leur nom.
Rappelons que le grand pionnier qu'est Louis PAULHAN, l'un des vainqueurs du Concours de 1922, a généreusement contribué à l'attribution de ces primes en leur consacrant une somme de 10.000 francs, ce dont nous le remercions encore chaleureusement. "

SOURCES DOCUMENTAIRES

Cette page reprend les articles publiés par Georges HOUARD dans l'hebdomadaire Les Ailes, enrichie de photos empruntées à la Photothèque du Conseil général du Puy-de-Dôme.
[1] En souvenir du premier concours français de vol à voile, par Georges Houard, Les Ailes. Compte-rendu de l'organisation et du déroulement de la commémoration du trentenaire du congrès.
[2] Photothèque Cg63, photothèque du Conseil Général du Puy-de-Dôme. https://phototheque.puy-de-dome.fr/prod/

Page créée le 07/06/2022. Dernière mise à jour le 20/06/2022
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