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| La prise en remorque d'un planeur
par un avion en vol
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La prise en remorque d'un
planeur par un avion en vol est une technique qui a vu le jour durant
la Deuxième guerre mondiale, sur certains théatres d'opérations dont
les jungles de la Birmanie et des îles du
Pacifique. Bien souvent aucun aérodrome ne pouvait y être aménagé et
pourtant l’envoi de renforts, de ravitaillement et l’évacuation des
troupes se
faisait par la voie des airs, exigeant de l’avion des tâches tout à
fait
extraordinaires, entraînant parfois des manœuvres acrobatiques. L’une
de ces manoeuvres est la prise en remorque de
planeurs par un avion en vol.
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Waco et Dakota
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Les
deux photos ci-dessous montrent deux phases de l'opération lors
d'entraînements effectués en Angleterre pour la mise au point de cette
technique. Le planeur est un Waco Hadrian II et l'avion un Douglas
Dakota. Le principe est simple : une perche munie d'un crochet à son
extrémité est fixés sous l'avion. Le câble de remorquage du planeur est
maintenu soulevé par deux mâts, ce qui permet à l'avion de l'accrocher
lorsqu'il passe à basse altitude.
En haut l’avion arrive en passant près du planeur
En bas la boucle qui termine le câble de remorquage est saisie par le crochet qui l’attellera à l’avion [1]
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Problèmes posés par cette technique
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Les deux
problèmes principaux qu’il faut résoudre dans la prise en remorque sont
l’accrochage du câble de remorquage à l'avion d'une part, et
l'amortissement de l’accélération du planeur une fois qu'il est
accroché d'autre part, faute de quoi il se produirait un véritable choc
qui pourrait rompre le câble ou provoquer des accidents dont seraient
victimes soit le planeur, soit l’avion remorqueur, par suite d’une
brusque perte de vitesse.
La
solution du premier problème ne présentait pas de difficulté
particulière : la capture au vol de certaines charges, en particulier du
courrier, était de pratique courante dans l’aviation commerciale, déjà
avant la guerre.
Le remorquage du « Waco » s’effectue à l’aide
d’une corde de nylon (qui possède une certaine élasticité) de 70 mètres de
longueur. A l’extrémité de cette corde se trouve une boucle triangulaire dont
on accroche deux sommets à l’extrémité de deux poteaux de 4 m de hauteur et
distants de 7 m environ. Cette boucle sera saisie par l’avion remorqueur à son
passage.
Le deuxième problème a été résolu par un dispositif de capture installé à bord du
« Dakota ». L'ensemble pèse au total 590 kg. Il comprend un câble d’acier de 350
m de longueur, enroulé sur un tambour freiné et à l’extrémité duquel se trouve
le crochet qui saisira la boucle du planeur. Pour la capture du planeur, ce
câble d’acier est légèrement déroulé et le crochet est guidé par un bras
métallique éclipsable placé au-dessous de l’avion. Après accrochage de la
boucle par le crochet, l’effort de traction qui s’exerce sur les deux câbles
provoque le déroulement du câble d’acier. Ainsi le choc qui se produirait si
l’attelage était rigide se trouve amorti et le planeur est progressivement
accéléré.
Le Douglas « Dakota » est un avion de 16,5 tonnes
en pleine charge, muni de deux moteurs de 1200 CV. Le planeur Waco
« Hadrian II » pèse 3600 kg. La vitesse à laquelle vole normalement
le Dakota au moment de la prise en remorque est de 160 à 200 km/h mais le Waco
décolle à partir de 115 km/h. Le décollage s’effectue en 70 mètres environ.
Dans ces conditions, si l’on admet que le mouvement du planeur est uniformément
accéléré, l’accélération est de l’ordre de 6 m/s2 et la traction exercée sur le
câble serait de l’ordre de 2200 kg compte non tenu du freinage exercé par le
sol sur le planeur. De toute façon cette
traction ne dépasse pas normalement 3000 kg.
Le câble d’acier est ensuite enroulé de nouveau sur son
tambour grâce à un petit moteur électrique de 2,5 CV.
Des
sécurités sont prévues pour le cas où, pour une cause quelconque, un
des appareils se trouverait en difficulté. Le câble de nylon présente
en effet un point faible dont la rupture se produit quand la traction
vient à dépasser la valeur de 7 tonnes. Enfin il est possible de couper
instantanément le câble d’acier à l’aide d’une petite charge d’explosif
dont on commande la détonation si le tambour du câble vient à
fonctionner de façon défectueuse.
Une courte vidéo d'un Dakota prenant un Waco en remorque est visible sur la
Toile et aussi "Glider pickup at Einhdoven" [12]
| Expérimentation civile |
| Après
la fin de la guerre, la firme AAA (All American Airlines) a réalisé une
expérimentation originale avec un TG-3A (version militaire du Schweizer
SGS 2-12) à des fins d'utilisation civile ce cette technique de
remorquage :
Le planeur TG-3A standard (biplace) avait été modifié, la place avant
ayant été dégagée pour en faire un compartiment dans lequel des bagages
pouvaient être entassés . Le pilotage du planeur se faisait de la place
arrière.
La photo ci-dessous montre la prise en remorque du TG-3A (piloté par
Taylor Boyer), rempli de homards frais sur une plage de la cote
Atlantique, Massachusetts Beach (New England).

Le planeur avec sa cargaison de
homards est prêt ! L'avion Stinson va passer au entre les deux perches
et crocheter le câble de remorquage. [2]
Le planeur
a été remorqué jusqu'à Teterboro Airport, aérodrome à proximité de
New-York City où l'attendait un restaurateur new-yorkais, prêt à amener
les homards dans ses cuisines !

Taylor Boyer remet les homards en main propres au restaurateur new-yorkais !
L'opération
fut techniquement un succès complet. Schweizer avait déjà un projet de
planeur cargo léger (le T-15) dans ses cartons, idéal pour un tel usage.
Mais il n'y eut pas de demande pour cet appareil et le projet n'eut pas de suite.
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Et même Buck Danny a expérimenté cette technique ! |
Dans la BD Buck Danny, La revanche des fils du ciel, publiée en 1948/1949 par J.-M. Charlier et V. Hubinon [11], les auteurs présentent cette technique, mais appliquée à l'enlèvement d'une personne. Je n'ai pas trouvé trace d'essais réels d'embarquement de ce type, et on peut être dubitatif sur la possibilité d'enlever un homme de cette manière particulièrement musclée, surtout avec un Dakota dont la vitesse de décrochage devait rester relativement grande. Mais tout reste permis aux scénaristes imaginatifs de bandes dessinées.

Principe vu par Charlier et Hubinon

Réussite totale de l'opération !
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RÉFÉRENCES
[1] La prise en remorque d'un planeur par un avion en vol, Science et Vie n° 338, novembre 1945
[2] Sailplanes by Schweizer, par Paul Schweizer & Martin Simons, Airlife Publishing Ltd. 1998
[3] waco-remorquage.avi vidéo de 10 secondes environ [origine inconnue]
[4] WWII u.s. Army Air Force Glider Aerial Retrieval System, compilation de Leon B. Spencer, ancien pilote de planeur durant la Deuxième Guerre mondiale.
Article (PDF) très détaillé via le site Silent Wings ou sur Site Scribd (Lire l'article)
[5] Glider pick-up, par Arthur B. Schultz, Soaring janvier-février 1943. (Lire l'article)
[6] CG-13 snatch, par Soaring mars-avril 1945. (Lire l'article)
[7] A prediction ? Soaring mai-juin 1945. Page publicitaire de Schweizer Aircraft Corp. (Voir la page)
[8]
First pick-up of All American Aviation. Soaring mars-avril 1946. Note + photo.
[9] Sporting glider pick-up, par Walter Setz, Soaring mars-avril 1947. (Lire l'article)
[10] Cargo glider versus cargo plane and helicopter, par Richard H. Rush, Soaring mars avril 1946 (Lire l'article)
[11] Tout Buck Danny - La guerre du Pacifique (Première partie) - La revanche des fils du ciel, par Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Éditions Dupuis 1983. Première publication Spirou n° 548 à 604 (1948/1949)
[12] Glider pickup at Eindhoven, vidéo 2'14" sur YouTube. Séquence "snatching" à la fin (Voir la vidéo)
[13] Snatching gliders, National WWII glider pilots association. (Lire l'article)
[14] Glider retrieval, the snatch, par Walter Setz, Soaring mars-avril 1947. (Lire l'article)
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mise à jour le 07/03/2015 |
Des vieilles toiles aux planeurs
modernes © ClaudeL 2003 -
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