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L'aventure CHOUCAS
Vers page "La Saga du Chouca"
"Une vie modéliste marquée par le Choucas de Robert Bardou", par Etienne BRESSON
Le vol de pente
Etienne BRESSON nous présente son Choucacro PVV version 2018 [septembre 2018]

Les débuts

Une maquette de "bateau télécommandé", sur un petit étang de la forêt de Rambouillet, avait de quoi intriguer l'enfant que j'étais : comment cela peut-il fonctionner ? Quelques années plus tard, fin juin 1968, avec les économies patiemment accumulées, j'achetais ma première radiocommande chez Baby Train à Paris, au cœur du Quartier Latin qui avait retrouvé son calme après un mois de mai agité : une OS Pixie monocanal 27 MHz, destinée à mon premier bateau mis en chantier depuis plusieurs mois déjà. Entre temps, un camarade qui avait découvert l'aéromodélisme au contact de l'Abbé Robin, professeur dans une école privée de Paris, qui a œuvré toute sa vie pour la promotion de l'aéromodélisme auprès des jeunes, m'avait à son tour initié à la construction de petits planeurs de vol libre à partir d'un plan de l'Abbé Robin.

Les années "Mazamet"


En 1969, à l'occasion d'un changement professionnel de mon père, quittant l'Eure et Loir j'arrivais à Mazamet dans le Tarn, où j'ai rapidement lié amitié avec un nouveau camarade du lycée technique, qui bricolait en cours de technologie ce qui devait être un récepteur de radiocommande.
Et là, l'activité prend de l'ampleur : ce camarade, Francis Bataille, m'incite à l'accompagner dans la section aéromodéliste du Foyer des Jeunes d'Éducation Populaire (FJEP), animée par un instituteur talentueux et généreux, Robert Mlinaric (dont le fils Lionel, et le petit fils Bastien, seront plusieurs fois sacrés Champions de France en planeur électrique, 25 ans plus tard).
Dans un registre différent de l'Abbé Robin, Robert Mlinaric était lui aussi dévoué à l'éducation des jeunes au travers de l'aéromodélisme. Il avait le talent de construire des radiocommandes, d'abord multicanaux avec des récepteurs super-réaction, puis super-hétérodyne, et rapidement des radiocommandes proportionnelles ! Et en plus il encadrait ces quelques jeunes, dont je faisais partie avec Francis Bataille, à la fois pour nous apprendre à construire nos radiocommandes (de la gravure du circuit imprimé, jusqu'aux réglages) et nos avions ; et il nous emmenait les faire voler sur le terrain de Labruguière, entre Mazamet et Castres. Comment avec un tel accompagnement échapper au virus aéromodéliste ?

Premier Choucas
Tiens, pourquoi-pas construire un planeur ?
Dans les revues modélistes de ces années 1969-1970, on commence à parler de Vol de Pente, le VDP, et on y présente régulièrement un certain Robert Bardou et son drôle d'oiseau, dont le volume de fuselage généreux permet d'installer facilement des radiocommandes volumineuses, comme elles l'étaient à cette époque.
Sur les conseils de Robert Mlinaric, je me décide pour un kit de Choucas 70, commandé par correspondance à Robert Bardou, modéliste constructeur en plus de son métier de photographe, alors installé à Menton : ce sera mon premier kit de modèle réduit volant !
Un modèle pour le moins original, avec des ailes en flèche, à profil Jedelsky sans entoilage, avec un empennage pendulaire (stab et dérive) pour une grande maniabilité dans le vent, avec des renforts en résine polyester et fibre de verre (fournies dans le kit !) ; un modèle rustique ne craignant pas les maladresses d'un aéromodéliste impatient et encore mal dégrossi.
Les premiers vols seront effectués en plaine, grâce à au pylône moteur équipé d'un Cox Babe Bee de 0,8 cm3, construit selon le plan Bardou.
En juillet 1972, hébergé généreusement pendant quelques jours par Robert Mlinaric et son épouse à St Juéry près d'Albi, je découvrais avec ce Choucas 70 la magie du Vol de Pente, sans moteur, au-dessus d'un méandre du Tarn.

Choucas 70
De retour en Eure et Loir à la fin de l'été 1972, non par ingratitude mais plutôt en raison de l'aspiration par les études et le modélisme, je n'ai pas su garder le contact avec Robert Mlinaric, alors que je lui dois à la fois cette première relation avec le Choucas, et l'orientation de mes études vers l'électronique. S'il croise un jour ce récit, qu'il sache que je lui garde une profonde reconnaissance, pour son dévouement envers des jeunes modélistes dont je faisais partie, et l'influence qu'il a eue sur moi !

C'est alors que j'ai lié connaissance avec un nouveau jeune compère modéliste, Patrice Chartier, qui de son côté avait lui aussi construit ses propres radiocommandes, avions et planeurs. La proximité de nos maisons familiales, à 300 mètres l'une de l'autre, et la passion commune pour les petits avions radiocommandés, ne pouvaient que développer une émulation et une complicité qui durent encore, malgré une baisse d'assiduité de ma part pendant de nombreuses années, avant une reprise récente de vigueur à l'âge où la retraite redonne un peu de temps libre.
Et donc, avec Patrice Chartier, nous avons développé notre attrait pour le planeur et le vol de pente, bien aidé par ce rustique Choucas 70 qui permettait de tester des petites pentes dans cette région de France, en bordure de la Beauce, plutôt réputée pour sa morne plaine. Et finalement, nous avons trouvé et apprivoisé plusieurs petites pentes de 15 à 35 mètres, du côté de Dreux, et fait des émules dans et autour de notre club situé à Chartres (aujourd'hui Club Aéromodéliste de Chartres - CAC).
Durant les années qui ont suivies, nous avons partagé des séances sur ces pentes avec Jean-Claude Rey avant qu'il prenne la présidence de la FFAM pendant plusieurs décennies, ou Philippe David avant qu'il mette le pied dans Modèle Magazine lui aussi pour plusieurs décennies, et avec qui j'ai eu une très longue et exemplaire collaboration comme pigiste (avec notamment un numéro hors-série "Spécial Planeur" publié en Décembre 1982, avant que d'autres revues s'en inspirent quelques années plus tard).

En 1973, un de mes frères ainés, journaliste, venait d'arriver à la Dépêche du Midi, à Tarbes dans les Hautes Pyrénées : c'est justement dans ses Hautes Pyrénées natales, que Robert Bardou était revenu depuis peu, après de nombreuses années d'exil à Menton dans les Alpes Maritimes. Durant l'été 1973, je profitais donc de l'hébergement chez mon frère, pour aller découvrir le col du Tourmalet, qui avait été présenté par Robert Bardou dans un article de Radiomodélisme comme l'un des lieux incontournable de vol de pente des Pyrénées. Ce jour-là, en arrivant au col du Tourmalet, je reconnu immédiatement en vol un Choucas si caractéristique, et aperçu au loin la silhouette caractéristique elle-aussi, de cet homme moustachu et jovial que je connaissais au travers des photos de nos magazines modélistes. Armé de mon Choucas 70, le premier contact avec Robert Bardou, s'est immédiatement transformé en un accueil chaleureux, suivi de conseils pour voler sereinement dans cet environnement grandiose du col du Tourmalet ; suivi d'une invitation à venir le voir un prochain jour à Bugard, dans la campagne au nord de Tarbes dans laquelle il s'était installé avec son épouse Georgette.
Il y avait développé un petit atelier pour la production des kits de ses nombreux modèles, car outre le Choucas qui représentait au moins les trois quarts de sa production, il était sans cesse en train de créer de nouveaux modèles originaux, basés très souvent sur des techniques de construction innovantes : profils Jedelsky (qu'il usinait directement dans la masse de madriers de balsa qu'il importait) pour le Choucas, fuselage en contre-plaqué roulé pour le Choucas 72 ou le Mini-acro, nez moulé en mousse de polyuréthane pour ce même Choucas 72, contre-plaqué de balsa pour les ailes du Bardou-Piper, ou l'Authion, une aile volante delta pour vol de pente. Il utilisait largement les résines polyester et époxy, les tissus combinés de verre, kevlar, carbone, le micro-ballon ; il s'était construit une étuve pour accélérer et améliorer la polymérisation des résines, et une machine à découper les noyaux de polystyrène, bien avant que cette technique se démocratise ; il a utilisé de l'adhésif double face ultra fin pour coller des coffrages de balsa sur des noyaux de polystyrène ; il a développé ensuite des techniques d'enroulement filamentaire pour les poutres arrières des dernières générations de Choucas et de Bigorre (fuselage créé pour les compétiteurs de durée-vitesse). Bref, un esprit créatif, jamais en manque d'inspiration, et toujours prêt à vulgariser ses techniques dans différents articles de nos revues modélistes.

Il vendait ses kits essentiellement par correspondance en France mais aussi à l'étranger, notamment aux États-Unis où il a expédié des kits de Choucas à plusieurs reprises.
Sa fidèle et dévouée épouse, Jo, participait très activement à la fabrication des sous-ensembles, à la préparation et à l'expédition des kits. À Bugard, en complément de sa petite pente privée "Choucaland", Robert Bardou a rapidement aménagé une piste pour le modélisme, mais aussi pour les ULM pendulaires à aile delta, pour lesquels il avait développé une coque profilée, montée sur un train à lame en composite, le tout de sa conception. Coque qui s'est vendue à plusieurs exemplaires, et dont on peut encore trouver en 2019 quelque annonce sur Le Bon Coin !
Robert Bardou concrétisait avec cet ULM, le rêve de jeunesse contrarié par un accident de moto, de devenir pilote d'avion.
Le Tourmalet était également un lieu de mémoire pour Robert Bardou, car il y avait perdu des amis dans une escalade mortelle, qui aurait pu être fatale pour lui aussi, amis qui étaient partis sans lui car personne n'avait pu lui prêter des pneus pour son vélo, en cette période de restriction sous occupation Allemande. L'été à Bugard, il y avait bien souvent des modélistes de passage venus rencontrer le maître des lieux, faire des emplettes, voler sur la piste ou sur la pente, ou séjourner dans le gite que Robert et Georgette Bardou avaient aménagé au rez de chaussée de leur maison, construite selon un plan et des techniques Bardou !

Choucas 250

Cet été 1973, je repartais de Bugard avec un des premiers Choucas 250 à fuselage en CTP roulé, et une ferme invitation à venir participer à la coupe des Choucas l'année suivante, coupe qu'il organisait depuis plusieurs années avec son épouse Jo, à St Lary. Effectivement, en 1974 profitant d'un hébergement familial à proximité, je suis venu participer à cette Coupe des Choucas, aux côtés de modélistes célèbres et amis de Robert Bardou, notamment Roland Chowchuen, et Georges Damerval qui remportât cette coupe 1974. Georges Dammerval, pilote d'hélicoptère, perdit la vie quelques années plus tard lors d'une mission en hélicoptère dans les Pyrénées : ce fut une grande tristesse.

En 1975, avec Patrice Chartier nous décidions d'aller participer à cette coupe des Choucas. À Bugard, Robert et Georgette nous ont accueillis et nourris comme des princes (poulets, pintades, ... élevés et cuisinés par "madame Bardou"), refusant une quelconque participation financière pour cet hébergement. Mais dans la précipitation du départ, j'avais oublié les ailes du Choucas dans mon atelier : il a donc fallu construire à la hâte une paire d'aile en vue de la coupe des Choucas du dimanche suivant.

Et pourquoi pas une aile trapézoïdale avec moins de flèche, puisque les radios sont plus légères ? Rapidement construite et testée, cette nouvelle aile me permettait de concourir et de remporter cette coupe des Choucas 1975, devant les ténors de l'année précédente ; mon complice Patrice Chartier, remportant de son côté la Coupe Open, avec un Blizzard dont il était l'inspirateur (et qui était devenu notre modèle de référence, au travers de diverses évolutions successives). Le même jour, dans la même compétition, nous ramenions chacun notre première coupe !

Durant cette semaine dans les Hautes Pyrénées, nous étions bien évidemment allés voler au Tourmalet. Robert Bardou nous y a confié le pilotage de son aile volante Authion, demandant des passages bas selon des cadrages bien précis sur fond de ciel et de montagnes ; séance photos avec cet Authion, mais aussi avec nos autres modèles, sans casse malgré l'exigence du photographe qui nous poussait toujours à faire encore mieux !

 

Voilà comment s'est développée progressivement une amitié profonde avec Robert Bardou, que j'ai revu ensuite à plusieurs reprises pour voler au Tourmalet, à St Lary, ou au col de Peyresourde ; mais aussi sur sa piste de Bugard avec un premier Choucas électrique, sur la base des quelques équipements électriques disponibles sur le marché que je lui avais conseillés, quoique dix fois moins performant que ceux dont nous disposons aujourd'hui.

Mais c'est aussi par écrit et par téléphone que j'ai entretenu un lien régulier avec Robert Bardou : il m'envoyait fréquemment des lettres (sur une feuille A4 pliée en deux) avec des croquis sur telle astuce de réalisation, et des photos de modèles en cours ou terminés, me demandait mon avis sur tel type de radio ou de servo.

D'où ces versions de Choucas qui se sont succédées (dont j'ai présenté certaines dans Modèle Magazine) : Choucacro, Choucas 90 E à empennage en T, Choucas 90 PVV (Profil Variable en Vol, que j'avais développé sur une évolution du Blizzard, en 1982), jusqu'à la version avec un fuselage plus long à l'avant pour faciliter le centrage ou loger une motorisation, que Robert Bardou avait réalisé selon ma demande : à savoir le Choucacro E PVV, mis en vol en 2018 à l'occasion des 50 ans du Choucas, après qu'il soit resté de très nombreuses années en projet dans mon atelier.


Etienne et son Choucas PVV

S'il a incontestablement permis de populariser le vol de pente grâce à sa rusticité et à sa facilité de pilotage, à partir de 1972-1974 le Choucas Jedelsky a rapidement été suivi par des modèles plus classiques et plus performants proposés sur le marché ; le Choucas a donc subi parfois des commentaires narquois, ... qui souvent se taisaient quand seul le Choucas arrivait à voler quel que soit la force du vent, ou l'inhospitalité de la pente ! Le Choucas avait donc ses inconditionnels, qui en ont souvent construits plusieurs exemplaires à la suite, car ils en appréciaient ses caractéristiques inhabituelles. Et la sympathie dont ce modèle bénéficie aujourd'hui dans le cadre d'un mouvement "vintage", n'est pas sans rappeler celle qui entoure la 2CV Citroën : simplicité, rusticité, efficacité.

Après lui avoir envoyé en mars de cette année 2019 une copie (non reliée) de "La Saga du Choucas" très judicieusement et agréablement rédigée par Claude Lacombe, Robert Bardou m'a répondu par écrit, avec toujours le sens pratique qui le caractérise :
Cher ami,
C'est avec surprise et plaisir que j'ai reçu ton envoi. Cela m'a fait plaisir de revoir ces documents mais ce que j'aimerais c'est de grouper ces souvenirs en un opuscule au format de livret facile à consulter : comment les relier ensemble, peux-tu t'en occuper, de façon à avoir tous ces documents ensemble, faciles à consulter ?
Il y a une dizaine d'année, Robert Bardou et son épouse ont quitté Bugard pour s'installer dans les faubourgs de Tarbes, plus près des commodités. Il a continué à construire des maquettes statiques, et notamment des Cubecraft en carton découpé, dont il me transmettait des photos. De mon côté, j'ai continué à lui envoyer quelques photos de mes différents modèles dont le Bigorre PVV de 3,50 m (électrifié dans un second temps) et ce Choucacro E PVV, avec lesquels je vole durant l'été dans les Alpes Maritimes, là où le Choucas avait pris son envol en 1968.

Choucas 72, Choucacro PVV-E, et 2 Blizzards - EB - 7877 [2019-09-01 - CAC ]

Robert Bardou a eu 95 ans au mois de juin 2019. J'espérais le revoir début août lors de mon passage dans les Hautes Pyrénées où je n'étais pas revenu depuis 25 ans. Mais ce ne fut pas possible, en raison de séjours alternés à l'hôpital, malgré tout le dévouement de son épouse Jo.

Étienne BRESSON

Novembre 2019


Choucacro
PVV - Profil Variable en Vol, ou la recherche de la polyvalence


Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, ... Depuis le milieu des années 1970, les premiers grands planeurs de 3 à 4 mètres d'envergure commençaient à se démocratiser, et quelques très rares modèles géants atteignaient ou dépassaient les 5 mètres, nous venant en particulier d'Allemagne. À la toute fin ce cette même décennie, les fabricants de radiocommandes les plus à la pointe – Multiplex et Graupner, notamment – venaient tout juste d'ajouter des mixers sur leurs émetteurs haut de gamme, mais le choix de servos restait limité, et ces servos étaient encore très couteux et relativement gros.
Après la rapide maitrise du Vol de Pente élémentaire, et des petits planeurs taillés pour la voltige quand le vent était généreux, le planeuriste acrobatique continuait sa recherche du planeur idéal, capable de gratter et de monter par petit temps, afin d'attaquer la voltige.
Durant ces années de foisonnement du VdP, des profils d'ailes très différents sont apparus et ont été testés sur de multiples modèles personnels ou commerciaux : Ritz, Eppler, Wortmann, Naca, HQ, ..., avec des épaisseurs, des courbures, ou des creux à l'intrados extrêmement variables, mais qui tous volaient finalement correctement !
Donc, pourquoi ne pas oser une solution originale ? En partant d'un profil typique de voltige Ritz 1-30-10, voire d'un Eppler 374 un peu plus calme, et en cassant le tiers arrière pour créer un léger creux, on s'approchait finalement d'un profil plus typiquement porteur : donc des volets-ailerons de grande corde, 33 %, avec un faible débattement, et en perspective la possibilité d'utiliser la courbure vers le haut pour voler sur le dos. Grâce à ces nouveaux mixeurs intégrés aux émetteurs, on pourrait avec un seul servo dans chaque aile, combiner une fonction volet-aileron, et luxe suprême, avoir une compensation à la profondeur en fonction de la courbure des volets !

Le PVV : de la réflexion à la concrétisation


De cette réflexion partagée avec mon complice Patrice Chartier, j'ai concrétisé en 1980 le PVV, Profil Variable en Vol, sur un Salto à fuselage Gewalt, pour 3,80 m d'envergure : profil Eppler 374, ailes trapézoïdales, volets-ailerons de 33 % de la corde articulés au centre sur des axes en corde à piano, un seul servo "standard" situé à l'emplanture de chaque aile.
Premier essai plutôt concluant, malgré une articulation perfectible : pas de jeu dans l'articulation elle-même, mais une fente peu aérodynamique.
Sur cette base, et dans la lignée du Blizzard sur lequel Patrice Chartier et moi volions avec succès depuis plusieurs années déjà, j'ai construit un planeur de 2,10 m (ailes de 1 m chacune en polystyrène coffré balsa) à partir d'un fuselage BLS (Bosquet - Lecki – Serres : producteur notamment du célèbre Axel à incidence variable) ; BLS dont j'ai d'ailleurs été le dernier client dans ses locaux de Trappes (78) lors de la cessation d'activité au printemps 1982.
Pour ce Soprano, les servos étaient non pas dans les ailes, mais le plus en avant possible dans le fuselage pour des raisons de centrage : planeur efficace, capable de gratter grâce au PVV, tout en étant très voltigeur, notamment pour les tonneaux à facettes, une de nos spécialités avec Patrice Chartier sur nos Blizzards. J'avais choisi de dessiner un profil maison "EB 1.5-10 PVV", en optimisant "à l'oeil" la transition entre profil lisse et courbure. À cette époque, l'ordinateur personnel n'était qu'une très lointaine perspective, l'internet n'existait pas, il n'y avait donc pas d'accès facile comme aujourd'hui à des informations détaillées sur l'aérodynamique.


Bigorre PVV - Volets 33 % de la corde, sans fente et à faible débattement

Fort de ce deuxième essai réussi, j'ai donc attaqué un très grand planeur de 4,80 m, sur la base d'un fuselage d'ASW17 géant de Gewalt (prévu à l'origine pour 6,50 mètres) : ailes trapézoïdales, corde d'emplanture agrandie, volets-ailerons de 33 % de la corde soit 20 dm2 chacun, commandés par un seul servo Oméga RR (faible vitesse, gros couple) de la marque française Teler, servo situé au premier quart de l'aile à côté de l'AF. Cet Arpège a connu quelques malheurs suite à des ennuis radios en approche (à l'époque du 41 MHz), puis lors d'une sortie dans les Pyrénées avec Robert Bardou, suite à un excès de confiance en fin de journée ... Mais remis en état à chaque fois, il a volé à nouveau en plaine et dans les Alpes Maritimes, où il a terminé sa carrière à Caussols dans un inversé magistral qui a eu raison du collage de la clé d'aile en acier plat, réalisé 20 ans auparavant. Dommage, c'était une superbe machine, ultra efficace.

Émetteurs programmables, moteurs brushless et Li-Po


Sur le fuselage du Bigorre que Robert Bardou avait produit pour les concours de durée-vitesse en remorquage, j'ai ensuite réalisé une version PVV de 3,60 m, avec cette fois ailerons et volets séparés pour une fonction quadro-flap sans AF à lame ; car entre-temps les radios avaient connues la révolution de la programmation (notamment avec les émetteurs Graupner mc-16 puis mc-18), et la baisse de prix et de taille des servos, ce qui permettait d'en implanter plusieurs dans les ailes avec un impact financier raisonnable.
À la suite de ces radios programmables, l'arrivée des moteurs brushless et des accus LiPo a définitivement révolutionné le planeur électrique, en accélérant la mutation aérodynamique des modèles : volets de courbure généralisés, micro-servos en attaque directe d'ailerons, ailes D-box ou stratifié, ...
Il est clair qu'aujourd'hui, le PVV imaginé en 1980 n'est certainement plus optimal sur le plan aérodynamique pur, même s'il conserve malgré tout l'avantage de la rusticité et de la robustesse.

Choucacro PPV-E pour les 50 ans du Choucas originel



Aile Choucacro PVV - volet démonté

Aile du Choucacro (1 m) posée sur l'aile de l'Arpège (2,3 m)

Pour en revenir au Choucas, j'avais gardé dans mon atelier depuis très longtemps un fuselage de la dernière évolution agrandie selon mes souhaits ; et c'est début 2018, profitant d'un changement de rythme professionnel, que j'ai trouvé le temps de réaliser cette dernière version du Choucacro PVV-E, équipé d'une propulsion moderne (moteur brushless, LiPo 3S-2600, variateur), que j'ai mis en vol en 2018 pour les 50 ans du Choucas.
Photos et récits bien évidement transmis à Robert Bardou, qui m'a fait part de sa satisfaction de voir cette dernière évolution. Choucacro PVV-E avec lequel je vole encore, avec cette même paire d'aile réalisée en 1982, qui a été montée successivement sur le Soprano, un premier Choucas, est revenue sur le Soprano, et maintenant montée sur ce dernier Choucacro, avec les servos transférés à l'emplanture de l'aile pour avoir plus de place dans le fuselage ; cette paire d'aile qui approche la quarantaine avec de multiples heures de vols dans des sites pas toujours très hospitaliers, a démontré la rusticité et la robutesse du PVV ! Pourquoi pas une prochaine évolution de ce Choucacro ? Probablement une envergure agrandie à 2,30 m ou 2,40 m avec quadro-flap sur ce même fuselage, robuste et logeable : j'en ai encore parlé il y a quelque jours avec Patrice Chartier !
Étienne BRESSON
Mai 2020

 

Ajouter [18] : Article Modèle Magazine "Choucas 80 et Choucacro, une évolution de dix ans", par Etienne Bresson
C'est la version "Acro" du Choucas 80, avec le même fuselage et empennage, mais avec une paire d'ailes de moindre envergure et de profil différent (Ritz 2.30.10).



Sources documentaires

[1] "Le musée des GPR", Site de Gérard Risboug Les GPR.
[2] "Le planeur Choucas", Radio Modélisme n° 27, mars 1969, pages 23-27. Texte + Plan sur 2 pages. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[3] "Choucas, planeur télécommandé pour vol de pente", par Robert Bardou, MRA août 1968 p 7.
[4] "Le Choucas 70", Radio Modélisme n° 44-45, août-septembre 1970, pages 32-37. Texte + Plan sur 2 pages. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[5] "Choucas 72", par Robert Bardou, MRA n° 391 janvier 1972 p 5, 20. Deux photos + tryptique + vue éclatée
[6] "Les ailes Jedelsky", par Robert Bardou, MRA n° 391 janvier 1972 p 18-19.
[7] "Choucas 250 version 72", Radio Modélisme n° 64, avril 1972, pages 20-24. Texte + Plan sur 1 page. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[8] Kit du Choucas, site Caramba Models.
[9] "Choucas", sujet sur le forum du du Club Aéromodéliste de Courcelles-les-Montbéliard (restauration de Bibi) : Choucas.
[10] "La journée des Choucas 75", Radio Modélisme n° 107, novembre 1975, pages 36-37. Compte-rendu d'un concours. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[11] "Camiers 72", par Stickman, Radio Modélisme n° 66, juin 1972, pages 17-18. 2 photos d'un Choucas 70 M. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[12] "Banc d'essai Choucas 250", par DAMS, Radio Modélisme n° 70, octobre 1972, pages 45-46. Texte et 4 photos. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[13] "La journée des Choucas 75", par Robert Bardou, Radio Modélisme n° 107, novembre 1975, pages 36-37. Compte-rendu de rencontre. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[14] "La journée des Choucas 1976", par Robert Bardou, Radio Modélisme n° 113, mai 1976, page 58. Annonce de la rencontre. Fac-similé sur RC-Paper.com.
[15] "Liste de plans d'aéromodèles antiques", par Guy Filliol, en téléchargement sur forum Rétroplane.
[16] "Collections de revues anciennes et documents", Site de Gérard Risboug Les GPR.

[18] "Choucas 80 et Choucacro, une évolution de dix ans", par Etienne Bresson, Modèle Magazine n° 337 octobre 1979 p 52-57. Banc d'essai : Choucas 80 et Choucacro. Via Jean-Pierre Di Rienzo, 28 mai 2018

Page créée le 25/01/2020, dernière modification 17/06/2020
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