Le congrès expérimental de Vauville (1923)
Les articles publiés dans la revue "Les Ailes"

EN TRAVAUX

L'hedomadaire Les Ailes, a couvert le Congrès expérimental de Vauville de 1923, depuis l'annonce de ce concours jusqu'à sa cloture. Nous avons reproduit ici les articles retrouvés dans ce journal, en particulier le compte-rendu publié sous la plume de Georges Houard, son rédacteur en chef présent à Vauville durant tout le Congrès.

Les Ailes n° 99 10 mai 1923

Le IIe Congrès expérimental
Deux importantes inscriptions : le "Colibri" Louis Breguet, le monoplan de la S.A.B.C.A.

Nous avions annoncé, il y a quelques semaines, que des inscriptions très importantes ne tarderaient pas à nous parvenir. Nous ne nous étions pas trompés et voici les premières. C'est d'abord celle de la Société des Ateliers d'Aviation Louis Bréguet.
Le fameux consctructeur de Villacoublay a inscrit au Congrès de Vauville sa plus récente production : le monoplan Bréguet, type "Colibri".
La construction de cet appareil sera, pour beaucoup, une surprise, une heureuse surprise. C'est un signe des temps de voir l'une des plus grosses firmes aéronautiques du monde spécialisée dans les avions à très grande puissance, venir, à son tour, à l'avion de petite puissance.
Car si le "Colibri" Louis Bréguet s'annonce comme un planeur remarquable, il sera néanmoins pourvu d'un moteur de 10 CV. Nous ignorons encore la marque du moteur, mais nous croyons savoir que la révélation de cette marque pourrait bien constituer, elle aussi, une non moins heureuse surprise. Le monoplan Bréguet, que l'on verra à Vauville, aura 10 m 25 d'envergure, 6 m 20 de long, 15 mq de surface et pèsera, non monté 110 kgs. Son pilote n'est pas encore désigné.
L'autre inscription, reçue samedi dernier, nous vient de la Société Anonyme Belge de Constructions Aéronautiques.
L'important société de Bruxelles, dont nous avons bien souvent parlé dans ce journal, inscrit au Congrès l'appareil S.A.B.C.A.-Jullien. C'est un monoplan à aile épaisse qui sera équipé avec un moteur auxiliaire d'une puissance de 10 CV. L'envergure de la machine, due à l'ingénieur Jullien, est de 13 m 40 pour une longueur de 5 m. Si son poids est assez considérable - 170 kgs à vide - par contre ses 20 mètres-carrés le justifient pleinement.
L'inscription de la S.A.B.C.A. venant après celle du Lieutenant Simonet (planeur Poncelet) assure ainsi à la Belgique une très remarquable représentation au Congrès de Vauville. Ajoutons que la S.A.B.C.A. a d'ailleurs désigné le Lieutenant Simonet pour piloter son appareil.
Ces adhésions portent à neuf le chiffre des inscriptions régulières :
1. Eric Nessler
2. Jean Galland
3. Société "l'Icare"
4. Charles Marais
5. Henry Grandin
6. J. Pimoule
7. V. Simonet
8. Louis Bréguet
9. S.A.B.C.A.
Sur ces neuf inscriptions, quatre concernent des avions sans moteur et cinq des appareils à moteur auxiliaire.

Nous rappelons que 15 jours seulement nous séparent de la clôture des inscriptions à droit simple - 50 francs - ; à partir du 1er juin, le montant de l'inscription sera porté à 100 francs. Nous tenons à la disposition des intéressés des feuilles d'inscription que nous envoyons franco sur demande.

Les Ailes n° 108 12 juillet 1923

Le IIe Congrès expérimental
Ce que sera le camp de Vauville

(D'un envoyé spécial des Ailes)
L'auto qui nous mène de Cherbourg à Vauville-Biville suit l'itinéraire qui sera imposé à tous les véhicules qui se rendront au Congrès. Le département a fait un gros effort pour améliorer la route qui, sur toute sa longueur, est presque entièrement refaite. Trois ou quatre rouleaux à vapeur achèvent de mettre en état le peu qui ne l'est pas encore mais qui le sera à la fin de ce mois. Le parcours est pittoresque au possible et si, en quelques endroits, l'étroitesse de la voie et ses sinuosités exigeront qu'on aille lentement, de nombreux panneaux de signalisation indiqueront le chemin à suivre et les endroits où la prudence s'impose.
On traverse Biville et quelques centaines de mètres plus loin, l'auto débouche sur l'immense plateau où pendant près d'un mois vont se dérouler les expériences du IIe Congrès Expérimental.
Une vingtaine d'ouvriers y travaillent déjà activement. Une grande partie des genêts et des herbes ont été brûlés et arrachés ; trois chevaux traînent un lourd rouleau qui achève d'aplanir le terrain. Une baraque Adrian a été édifiée en bordure du champ d'expériences ; on l'a cloisonnée en vue d'y loger la plupart des services : P.T.T. ; Presse ; Jury ; Comité d'organisation ; Office National Météorologique.
Avec M. Hébrard, président du Comité régional, M. André Carlier, président de l'A.F.A. et M. Vauvrey, secrétaire général du Comité de Cherbourg, nous parcourons le terrain, un plan à la main. Le camp proprement dit sera entièrement cloturé ; il comprendra un important parc automobile avec dépôt d'essence, vingt-quatre tentes type A-16, qui abriteront les appareils, la baraque Adrian dont nous avons parlé, une tente ambulance, etc. Immédiatement devant les tentes est le terrain de lancement ; si les appareils sans moteur pourront partir de n'importe où, le long de l'immense plateau, puisqu'ils ne roulent pour ainsi dire pas, il a fallu par contre, prévoir un petit terrain de départ pour les avions à moteur. Ce petit terrain, qui sera entièrement débarrassé des herbes qui le recouvrent encore, aura 200 mètres de côté et 100 mètres de profondeur.
Un groupe électrogène assurera l'éclairage du camp et permettra, s'il y a lieu, les expériences de nuit si quelques congressistes veulent tenter des vols de durée.
En somme, le deuxième Camp Mouillard, s'il n'aura pas l'ampleur du premier - puisqu'on n'y logera pas - s'annonce néanmoins comme une installation très importante et très complète.
Le logement des Congressistes sera assuré en grande partie à Biville, à l'Hostellerie du Bienheureux Thomas, puis à Vauville, puis enfin à Cherbourg. A Biville et à Vauville, malheureusement, les chambres sont d'une extrême rareté ; d'excellents dortoirs, par contre, seront à la dispositions des Congressistes à Biville même.
Un service d'autobus fonctionnera régulièrement entre Cherbourg et Biville ; les départs auront lieu au moins toutes les heures et peut-être même, les jours d'affluence, toutes les demi-heures. Le prix du voyage simple sera de 5 francs, prix abaissé à 3 francs pour les Congressistes. Cette faveur permettra à beaucoup d'aller chercher à Cherbourg les chambres qu'ils n'auront pu trouver à Biville et à Vauville.
On s'est efforcé de faciliter la tâche de nos confrères en installant une salle de presse sur le terrain même ; cette salle aménagée dans la baraque Adrian, est contiguë à celle des P.T.T. Les journalistes auront donc à leur disposition le télégraphe et le téléphone. Des facilités leur seront accordées pour se rendre à Cherbourg quand ils le désireront.
Les travaux vont se poursuivre activement. Les tentes A-16 ont déjà été expédiées par les soins de l'Aéronautique militaire et vont arriver incessamment à Cherbourg. Elles seront immédiatement montées et on espère que le 29 juillet, tout sera prêt pour recevoir les premiers appareils.
L'Association Française Aérienne a trouvé à Cherbourg et dans la région cherbourgoise des concours extrêmement précieux et grâce auxquels l'organisation matérielle du IIe Congrès Expérimental pourra être mené à bien.
La maison André Citroën a bien voulu participer à l'organisation du Congrès en mettant à la disposition de l'A.F.A. deux voitures à chenilles destinées au remorquage des appareils du point d'atterrissage au point de départ. Comme l'année dernière, ce sont des mécaniciens de la maison Citroën qui assureront le service de ces voitures ; celles-ci seront d'un très précieux secours aux Congressistes.

 

Les Ailes n° 109 19 juillet 1923

Le IIe Congrès expérimental
Dans quinze jours, à Vauville

La date d'ouverture du IIe Congrès d'Aviation sans Moteur et à Petite Puissance s'avance à grands pas.
Dès le 29 juillet, les premiers appareils commenceront à arriver à Vauville, mais c'est seulement à partir du 5 août que se feront les expériences officielles. Elles battront leur plein autour du 15 août, car à ce moment les retardataires eux-mêmes - il y en a toujours - seront sur place.
Plusieurs appareils à moteur gagneront Vauville par la voie des airs. C'est le cas pour les avionnettes Dewoitine notamment. Il est rappelé aux participants qu'ils doivent disposer de leurs moyens de lancement, c'est-à-dire dans la plupart des cas, de sandows. Les constructeurs d'appareils à moteur qui se proposent d'utiliser également leur appareil comme planeur devront donc prévoir le mode de lancement.
Il est rappelé également que tous renseignements au sujet du Congrès sont fournis à Paris, au secrétariat de l'A.F.A. 17, boulevard des Batignolles. Pour les questions de logement seulement, il faut s'adresser au Comité d'Organisation Régional, 15, rue François-Lavieille à Cherbourg.
Les appareils
Nous n'avons pas fait connaître les caractéristiques des appareils engagés après le n° 39. Les voici :
N° 40. Henri Mignet - Appareil d'entraînement sans train d'atterrissage. Monoplan à aile mi-épaisse. Envergure : 6 m 60. Longueur : 4 m. Surface : 10 mq. Poids : 21 kgs.
N° 41. R.A.E. Aéro-Club - Biplan à hélice propulsive.
N° 42. Charles Tomasini - Biplan voilier
N° 43. Rossier et Vaillant - Monoplan Rossier, ailes minces haubannées
N° 44. Fornier et Vaillant -Monoplan type Lelong n° 11, cantilever à ailes épaisses
N° 45. Louis Clément - Appareil voilier
N° 46. Louis Clément - Appareil à moteur
N° 47. Pierre Bonnet - Monoplan à aile demi-épaisse
N° 48. Georges Sablier - Appareil d'entraînement biplan type Chanute
N° 49. Pierre Vial - Monoplan
N° 50. Landes-Derouin - Monoplan à ailes souples
N° 51. Seth Weeks - Monoplan. Moteur 3 HP.
N° 52. Danier Montagne - Monoplan cantilever à stabilité automatique
N° 53. Louis de Monge - Monoplan
N° 54. Durand - Sesquiplan à ailes mobiles
N° 55. Julien Pocard - Monoplan
N° 56. Jacques de Saint-Aubin - Monoplan à ailes épaisses
[Ajouter les caractéristiques]

 

Les Ailes n° 112 jeudi 9 août 1923

Le IIe Congrès expérimental
Le vol à voile à Vauville

Mercredi 1ier août

M. Hébrard, Président du Comité d’organisation, a bien voulu nous amener dans sa confortable voiture, de Cherbourg jusqu’au nouveau camp Mouillard où nous arrivons vers 15 heures. Les routes ont été entièrement refaites ; elles sont maintenant en excellent état et l’itinéraire est repéré d’une façon parfaite tant par les panneaux de signalisation du Touring-Club de France, nouvellement posés que par ceux qu’a fait placer, en maints endroits, le Comité d’organisation. Il est difficile, dans ces conditions, de ne pas prendre la bonne route et de s’égarer. Après le chemin pittoresque qui mène à Biville, quelques centaines de mètres seulement nous séparent du camp devant lequel l’auto débouche et stoppe bientôt.
Du camp lui-même, de son installation, rien à dire que nous n’ayons déjà dit. Des marins du 1ier Dépôt des Équipages de la flotte font preuve d’une belle activité en procédant à certains aménagements qui, on l’espère, seront complètement terminés dimanche ; les militaires de l’O.N.M. (NdR Office National de la Météorologie) montent le cinémo-anémographe qui, dès demain, sera en état de renseigner les pilotes sur la vitesse et la direction du vent ; des restaurateurs, escomptant une affluence de visiteurs, dressent de nombreux baraquements aux alentours du camp.
Dans la soirée précédente, le vent, très violent, a renversé trois tentes - sans grand dommage heureusement – trop exposées au flanc de la falaise. On les démonte pour les remonter plus à l’arrière, ce qui aura pour avantage de laisser une place plus grande aux avions, dans la zone des départs et des atterrissages.
On installe également les lignes électriques qui assureront l’éclairage du camp et le fonctionnement du phare Blériot – si des vols de nuit ont lieu – le courant étant fourni par trois petits groupes électrogènes.
MM. Hébrard, Vauvrey, Carlier et Riffard surveillent attentivement les travaux.
Dans un des hangars, nous voyons le monoplan Bonnet à l’entoilage duquel procèdent MM. Henri Mignet et Jean Hemmerdinger. Appareil réellement intéressant, d’une conception nouvelle, dont les premiers essais auront peut-être lieu demain soir. C’est Jean Hemmerdinger qui le pilotera.
Au fond du même hangar, et encore démonté, le petit planeur d’entraînement de M. Henri Mignet. C’est un léger monoplan, entièrement repliable, fort bien construit et qui, s’il donne les résultats qu’en espère son sympathique constructeur, apportera au problème du planeur de sport, une solution aussi heureuse que pratique. L’engin s’il procède du Chanute, quant à son mode d’expérimentation, représente sur l’appareil du fameux précurseur, un énorme progrès. Le pilote part en courant, mais une fois en vol, il peut s’asseoir sur une petite selle qui augmente singulièrement le confort de la machine ; il dispose d’un levier de commande et d’un palonnier. L’aile, d’un profil qui se rapproche du 430, se replie complètement pour le transport ; elle se monte en enfilant l’unique longeron qu’elle comporte au travers des nervures. C’est intéressant au plus haut point.
Tandis que nous examinons l’appareil de M. Henri Mignet, un camion amène au camp le très beau planeur de M. André Thomas et les machines d’Éric Nessler et des frères Landes. Nous apprenons que plusieurs autres appareils sont en gare.
Nous verrons demain ces appareils en détail. Ce soir, il est trop tard et il nous faut regagner l’hôtel Beau Rivage à Vauville où, en compagnie des pilotes de « l’escadrille » Dewoitine, nous allons établir pour près d’un mois, notre quartier général.

Jeudi 2 août

Ce matin, nouvelle et seconde visite au camp. Bon vent de 7 m 50, soufflant du Sud-Ouest. Le ciel, d’abord d’un beau bleu, se couvre peu à peu. Même activité que la veille. Les P.T.T. s’installent, tandis que l’on monte la tente qui  abritera l’ambulance dirigée par un médecin de la Marine.
M. André Thomas, sans perdre un instant, met sa machine en état de vol. D’une réalisation très séduisante, d’une construction vraiment remarquable, c’est un bien bel exemple de l’ingéniosité et de l’habileté d’un isolé. Le monoplan Thomas a 11 mètres d’envergure et 21 mq de surface pour un poids à vide de 92 kilos. Un très intéressant dispositif permet au pilote de faire varier à volonté et très facilement, l’incidence de l’aile. L’appareil paraît robuste et bien étudié dans ses moindres détails ; il est permis d’en attendre les meilleurs résultats. Nous ne tarderons pas à être fixés sur ce point car l’appareil sera essayé dès cette semaine.
On amène sur le terrain l’appareil de M. Tomasini. C’est une conception toute nouvelle, destinée, d’après son constructeur, à utiliser les vents latéraux. Il nous faudra attendre pour pouvoir l’apprécier que la machine soit montée ; elle est encore dans la caisse qui l’a amenée de Peyrrhorade dans les Landes.
MM. Landes nous représentent le fameux « Oiseau Bleu » que nous avons vu à Combegrasse, mais modifié d’une façon heureuse par l’adjonction des gouvernes de profondeur et de direction. L’appareil est arrivé au camp et n’attend plus que ses constructeurs. On l’entoilera à Vauville, ce qui demandera deux à trois jours. On se souvient qu’il s’agit d’une machine entièrement faite en bambou et qui possède des qualités de stabilité absolument remarquables.
Signalons encore la présence au camp du biplan d’Éric Nessler. Mais Nessler n’est pas arrivé pour le monter. C’est, croyons-nous, le même appareil que l’an dernier, mais auquel des perfectionnements sensibles ont été apportés.
Comme ils l’avaient dit, MM. Mignet et Hemmerdinger ont sorti, dans la soirée, l’appareil de M. Pierre Bonnet, pour effectuer des essais de centrage.
Pilotée par Hemmerdinger et lancée au sandow, la machine a réussi à décoller à plusieurs reprises. Elle fait bonne impression, mais semble un peu lourde. Il faudra la voir dans les vents forts.

Vendredi 3 août

Le Congrès n’ouvrira officiellement que dans deux jours et cependant dès aujourd’hui, nous avons eu une journée intéressante.
M. Henri Mignet qui a monté, dans la matinée, son petit planeur d’entraînement, a fait quelques essais de centrage. L’appareil est vraiment très intéressant ; il lui faudrait seulement un peu plus de surface pour avoir une charge moins élevée au mq. En touchant de l’aile, un longeron s’est cassé. On espère que la réparation pourra être rapidement effectuée.
Le monoplan Thomas (n° 10) a fait, lui aussi, ses essais de centrage en présence de M. Marcel Riffard qui contrôle les expériences. Ces essais ne nous ont pas déçus. Tiré à la corde, en terrain presque plat, ce très bel appareil décolle avec une facilité réellement surprenante. A 5 ou 6 reprises, Jean Hemmerdinger qui le pilotait a réalisé de véritables petits vols dont la parfaite réussite autorise tous les espoirs. Le constructeur qui mérite de chaleureux compliments a préféré s’arrêter là pour aujourd’hui et remettre à demain, si le temps s’y prête, le premier grand essai.
Hemmerdinger, infatigable et toujours plein d’ardeur, pilotera le monoplan Thomas alternativement avec la machine de M. Bonnet.
Vers 6 h 30, un point surgit à l’horizon, s’approche rapidement. On reconnaît une avionnette Dewoitine… La zone de départ est dégagée. Le petit avion arrive, descend, frôle les hangars, mais, planeur merveilleux, ne peut toucher terre avant la déclivité. Le pilote pique franchement sur la mer, remonte et s’en va virer au loin pour reprendre son terrain. L’appareil est passé à quelques mètres de nous : nous avons reconnu l’avionnette Dewoitine que pilotait Barbot au Grand-Prix du Petit Parisien, mais celui qui le pilote, cette fois, est l’excellent Descamps.
Descamps revient, recommence la manœuvre de tout à l’heure… l’avion lancé, pris aussi par le courant ascendant qui monte de la falaise n’arrive pas à prendre contact avec le sol. Au quatrième essai enfin, Descamps pose sa machine dans les bruyères où elle se cale littéralement sur place, sans autre mal qu’une roue faussée.
On court vers le pilote ; on le questionne ; on le félicite. Parti de Villacoublay le matin à 7 heures, il est venu tout tranquillement jusqu’à Vauville, s’arrêtant volontairement à Evreux d’abord, à Caen ensuite, d’où il est reparti à 16 heures. Il eut tout le temps de son voyage à lutter contre un fort vent debout de 10 m/s ; il rencontra des courants ascendants qui, parfois le firent monter de 200 à 300 mètres ; son moteur tourna tout le temps à 1550 tours alors que son régime normal était de 1650.
Descamps fit d’ailleurs le plus vif éloge de ce moteur, le Vaslin 12/15 CV, qui équipait l’avionnette Dewoitine de Finat dans le Grand-Prix et dans la Coupe Zénith.  La durée du vol de Paris à Vauville, en raison du vent contraire, a été et 7 h 20  pendant lesquelles le moteur Vaslin n’eut pas une défaillance.
Pendant que nous nous entretenons avec le pilote, Mme Descamps, accompagnée de ses enfants arrive sur le terrain et fait à son mari, dont elle connaissait le projet l’accueil que l’on devine.
Signalons pour terminer la journée, l’arrivée au camp du Triplan Lefort et de la machine d’Hélen. Éric Nessler et Robert Landes sont aussi arrivés et ont commencé immédiatement le montage de leurs appareils.

Samedi 4 août

Depuis huit jours, le vent souffle de l’Ouest, c'est-à-dire en direction favorable, à la vitesse minimum de 7 ou 8 m/s. Ce matin, par contre, il vient nettement de l’Est. Vers 10 heures, il commence à tourner et, à midi, a repris la bonne direction. Mais il est faible : 2 à 3 m/s au plus.
A la veille de l’ouverture officielle du Congrès, nous notons la présence au camp, de 10 machines : les planeurs sans moteur Nessler, Landes-Derouin, Tomasini, Thomas, Bonnet, Mignet, Grandin – arrivé ce matin – Hélen et Lefort ; plus l’avionnette Dewoitine-Vaslin que Descamps a amenée hier. On signale en outre, en gare de Cherbourg, une autre avionnette Dewoitine.
Pour faciliter l’atterrissage des avionnettes, on a dégagé une partie du terrain : celle qu’occupait la baraque abritant les groupes électrogènes. C’est un gros travail ; il était nécessaire et sera d’ailleurs terminé demain.
La soirée s’est passée comme la matinée, sans aucun essai. Le vent, en effet, s’est remis à l’Est et sa vitesse reste faible.
Vers 19 heures, on a amené un caisse de la gare : elle contient la moto-aviette de Barbot qui, lui, arrivera demain ou lundi.
Dans les hangars, on a travaillé ferme : Nessler est prêt à faire son essai de centrage ; la Mouette de Grandin et le triplan de Lefort sont presque entièrement montés.
Demain, inauguration officielle du camp par les autorités cherbourgeoises et locales. Le vent sera-t-il favorable aux premières expériences ?

Dimanche 5 août

L’inauguration du camp a attiré une assistance assez nombreuse ; le parc automobile se remplit de bonne heure ; la « ville de toile » prend une animation qu’elle n’a pas encore connue. Le vent, dans la matinée, souffle du Sud à une vitesse qui varie entre 3 et 5 mètres ; vers midi, il tourne et viendra de l’Ouest tout le restant de la journée.
A 15 heures, le cortège officiel se forme pour la visite des appareils. Conduites par MM. Hébrard, Carlier, Vauvrey et les membres du Comité d’organisation, les notabilités cherbourgeoises passent de hangar en hangar où les machines leur sont présentées.
A 16 heures, on amène sur le terrain de départ le superbe appareil d’André Thomas qui, avant de prendre part aux expériences officielles, doit être qualifié par un vol de 10 secondes. Hemmerdinger va tenter d’effectuer ce vol de qualification.
Avec une aisance qui ne laisse pas de surprendre, le grand monoplan, lancé par le sandow, quitte le sol pour une centaine de mètres… Mais la durée du vol ne dépasse pas 8 secondes. Ce vol de qualification est assez dur à réussir en ce sens que le pilote, partant de l’extrémité du terrain vers la mer, doit lutter contre le courant ascendant et atterrir avant la déclivité, s’il ne veut pas être embarqué pour un vol qui l’amènerait au bas de la falaise. Contraint ainsi de se poser aussitôt parti, Hemmerdinger vole à plusieurs reprises 8 et 9 secondes ; c’est seulement au quatrième essai qu’il dépasse sensiblement les 10 secondes, contrôlé par le Commandant Destrem et M. Marcel Riffard.
Visiblement, le monoplan Thomas ne demande qu’à décoller et, au premier vent favorable, nous sommes persuadés qu’il réalisera des performances intéressantes.
Éric Nessler a procédé de son côté à des essais de centrage ; son petit biplan est l’un des plus légers qui soient à Vauville : sa charge ne dépasse pas 5 kilos 5 au mq.
Descamps est sorti également sur la moto-aviette Dewoitine-Vaslin avec laquelle il est allé explorer la côte jusqu’à Vauville. Il manie son appareil avec une incomparable maîtrise qui a soulevé les applaudissements de l’assistance. L’atterrissage fut assez délicat, en raison de la présence des hangars et de l’influence des courants ascendants qui saisissent l’appareil dès que commence la déclivité en terrain.
On va remédier à cela en démontant plusieurs hangars pour les reporter plus loin : on disposera ainsi d’une zone de départ et d’atterrissage beaucoup plus vaste.
Après la belle sortie de Descamps, tout le mode s’est rendu dans une tente spécialement aménagée où un vin d’honneur fut servi. On entendit successivement les discours de MM. André Carlier, président de l’Association Française Aérienne, le Sous-Préfet et le Maire de Cherbourg. On vida quelques coupes de champagne en portant un toast au succès du Congrès.
Barbot est arrivé ce soir : il volera bientôt sur sa moto-aviette Dewoitine-Salmson qui est déjà au camp. Mercredi ou jeudi, nous a-t-il annoncé, les deux planeurs Dewoitine seront là. Ce sont de nouvelles machines qui ne sont ni les planeurs à ailes souples de Combegrasse, ni ceux à ailes rigides de Biskra et avec lesquelles Barbot et Descamps feront des essais dans les vents horizontaux.
Les deux voitures Citroën, à propulseurs Kégresse-Hinstin, sont arrivées au camp où elles vont rendre les plus grands services.

Lundi 6 août

On attend le monoplan Simplex et les appareils belges dont l’arrivée est annoncée. Le Jury est renforcé de la présence de M. Roger Lallier. Le vent, tout à fait insuffisant n’a permis aucune expérience importante. André Thomas a essayé avec succès un dispositif destiné à retenir l’appareil tandis que s’exerce la traction des sandows.
Grandin a fait des essais de centrage qu’il poursuivra demain.
On espère une prochaine amélioration dans le régime des vents.

Les Ailes n° 113 jeudi 16 août 1923

Le IIe Congrès expérimental d’aviation sans moteur
En attendant le vent d’Ouest

Mardi 7 août

Le vent continue a faire défaut. D’ailleurs, il souffle de l’Est, c’est-à-dire d’une direction opposée à celle que nous pouvons utiliser. Cette absence de vent est déplorable mais il fallait bien s’y attendre et c’est la raison pour laquelle on a fixé à trois semaines la durée du Congrès.
Par le fait que l’on renonçait au « piton » de Combegrasse qui permettait les départs dans toutes les directions pour adopter la « barrière » de Vauville, on savait par avance qu’il faudrait attendre le vent d’Ouest pour pouvoir faire quelque chose. Comme il était impossible de connaître la date à laquelle soufflerait ce vent d’Ouest, on a fixé au Congrès une durée de 22 jours en espérant que, sur ces 22 jours, nous aurions bien deux ou trois journées de vent favorable.
Jusqu’ici, ce vent favorable ne s’est pas encore présenté mais le Congrès ne fait que commencer.
La journée du 7 août a été marquée par quelques essais de centrage de la part de Nessler, Grandin et des frères Landes. Descamps a fait un vol de démonstration sur son avionnette Dewoitine-Vaslin, vol terminé par un très bel atterrissage vent dans le dos.

Mercredi 8 août

Le vent est encore à l’Est ; il est d’ailleurs trop faible pour qu’on en puisse tirer quelque chose.
A signaler, dans la matinée, les essais très intéressants d’un modèle réduit des frères Landes. Le petit appareil, lancé de la falaise, a volé plus de deux minutes d’une façon absolument parfaite, accomplissant plusieurs virages et gagnant à certain moment environ 20 mètres d’altitude. C’est certainement le plus beau vol de modèle réduit qu’il nous ait été donné de voir.
Vers 11 heures, Barbot sort son avionnette Dewoitine et part vent dans le dos. Il va virer vers Siouville, longe la plage et atterrit à Vauville, non loin de l’hôtel où Barbot est descendu. Est-ce vraiment une faiblesse de moteur qui a obligé Barbot à descendre à Vauville ou est-ce l’approche du déjeuner ? Nous ne le saurons probablement jamais.
Au camp, la journée se passe en mises au point. Thoret, qui est arrivé, devançant son appareil de quelques jours, a piloté à plusieurs reprises la machine des frères Landes qui a fait plusieurs petits bonds.
Dans les hangars, M. Mourdon achève le montage du curieus appareil d’Hélen tandis qu’on termine , un peu plus loin, le Triplan Lefort. La caractéristique essentielle de cet appareil réside dans le profil, très personnel, des plans. Le dessus offre à la partie postérieure une très forte concavité tandis que le desssous est absolument plat. Il sera intéressant de voir ce que donnera, en l’air, cette conception originale.

Jeudi 9 août

Éric Nessler qui a fait tranquillement des essais avec ses dérives et ses focs de direction a légèrement endommagé son appareil. Il sera remis en état demain.
A signaler encore quelques expériences des frères Landes qui s’efforcent de régler leur machine.
Le vent qui s’est remis à l’Ouest, avec une vitesse de 3 à 4 mètres à la seconde, a incité André Thomas à effectuer le premier grand vol. Vers 13 heures, Jean Hemmerdinger monte à bord de l’appareil qui, lancé par le sandow, décolle d’une façon admirable et pique droit sur la mer. Le pilote descend car le vent n’est pas encore assez violent ; il oblique sur la droite et, après une petite remontée due aux courants ascendants, s’en vient atterrir sur la plage de Vauville. Le vol a duré 2 m. 30 s. ; il n’est malheureusement pas suffisant pour compter officiellement à la totalisation où le minimum admis est de 3 minutes.
On remonte l’appareil au camp, par la route. Celle-ci est assez étroite et les grandes dimensions de la machine rendent la manœuvre longue et assez pénible.
Le matin, les deux planeurs Sablier sont arrivés au camp. L’un est un monoplan à fuselage de 11 mq. L’autre est un biplan d’entraînement type Chanute.
On attend toujours Victor Simonet et son avion Poncelet. Parti de Bruxelles dans d’excellentes conditions, Simonet vint atterrir à Valenciennes où on l’empêcha d’aller plus loin, le pilote belge n’ayant pas, pour la douane, les papiers nécessaires. Il fallu trois jours pour arranger l’affaire. Simonet repartit, se dirigea sur la côte qu’il atteignit et qu’il suivit jusqu’au Crotoy. Depuis on l’attend chaque jour à Vauville…

Vendredi 10 août

Toujours pas de vent… C’est navrant. Descamps prétend que le vent se lèvera lorsque son planeur Dewoitine sera prêt à voler. Puisse-t-il dire vrai ! En ce cas nous n’aurions pas à attendre longtemps car les deux planeurs Dewoitine, de Descamps et de Barbot, sont arrivés au camp aujourd’hui. Les deux bons mécaniciens Pradère et Jay vont se hâter de procéder au montage.
Vers 10 h. 15, Barbot qui avait laissé son avionnette à Vauville l’a ramenée au camp. Ce fut l’occasion d’une expérience qui à elle seule suffirait à justifier le Congrès. Le moteur qui en « rendait » pas tournait au régime très réduit de 1300 tours et ne permettait guère à Barbot de prendre de l’altitude. Le pilote du Dewoitine eut alors l’idée d’aller chercher les courants ascendants vers Siouville, à la naissance de la falaise. Il les y trouva effectivement et c’est porté par eux qu’il put monter suffisamment pour dépasser le niveau du camp et venir s’y poser. Le résultat de l’expérience est concluant et mérite qu’on le retienne.
Vers 13 heures, Thomas qui, depuis le matin, espère un accroissement de vitesse du vent, fait sortir sa machine. Piloté par Hemmerdinger, l’appareil décolle, mais retombe dans les bruyères après 22 secondes de vol. Rien n’est cassé. L’appareil est ramené au point de départ d’où il s’envole pour la seconde fois. Le vent est tombé, hélas, et la machine ne peut que descendre, en un très beau vol plané, jusqu’à la plage de Vauville. Elle a tenu l’air exactement 2 min. 15 sec.
Le tracteur Citroën vient la chercher pour l’amener jusqu’à la plage située directement au-dessous du camp. Là, Hemmerdinger et Thomas vont procéder à quelques essais de vol en terrain horizontal. Sucessivement, le monoplan Thomas vole 12 secondes, 12, 14, 13 et 8 secondes. A chaque essai, le pilote modifie l’incidence des ailes. Mais le vent est nul et on ne peut, dans ces conditions, espérer un résultat concluant. A 16 heures, on remonte l’appareil au camp. Ses essais ont été contrôlés par MM. Charles Dollfus et Roger Lallier.
Pendant ce temps, Descamps et Barbot faisaient préparer leurs avionnettes et s’envolaient bientôt l’un derrière l’autre. Après quelques belles évolutions d’ensemble et un joli virage de Barbot au-dessus de la mer, celui-ci, ayant quelques ennuis avec son moteur, atterrissait  dans un pré à Vauville. Descamps continuait à voler, puis s’en allait virer sur Cherbourg, à 200 mètres de hauteur, à la grande joie des habitants. L’excellent pilote rentrait au camp sans le moindre incident.
Dans la soirée, Sablier a couru a plusieurs reprises sur le terrain avec son Chanute, et le planeur Landes a fait un petit vol piloté cette fois par Hemmerdinger.
Si le vent se mettait de la partie, nous verrions certainement des expériences bien intéressantes.
Quinze appareils sont actuellement au camp, sans compter le planeur Peyret remisé à Biville.

Samedi 11 août

L’abstention du vent continue…
On apprend que Victor Simonet est malade à Montreuil-sur-Mer où il a atterri avec son planeur Poncelet. Il est question qu’un autre pilote belge vienne chercher l’appareil pour l’amener à Vauville.
Barbot est reparti ce matin du champ de Vauville où il avait atterri hier et est venu se poser sans encombre, avec son Dewoitine, au camp même.
L’évènement de la journée a été le montage des deux planeurs Dewoitine arrivés la veille. Ces planeurs sont de véritables merveilles : on peut considérer que c’est ce qui a été fait de mieux, jusqu’ici, en matière de vol à voile. C’est le Congrès qui a provoqué la construction de ces deux machines et c’est déjà là un résultat très appréciable.
Les planeurs Dewoitine sont d’un type différent des précédents : l’aire rigide dans sa partie antérieure, est souple à l’arrière et présente un dispositif permettant de réaliser la courbure variable. La partie avant de l’aile, depuis le bord d’attaque jusqu’au premier tiers est recouverte de contreplaqué ; la partie arrière très souple, comporte un recouvrement de toile caoutchoutée. L’aile est entièrement gauchissable.
Le fuselage, recouvert de contreplaqué, forme un véritable profil. Deux places sont prévues : une à l’avant, et très confortable, pour le pilote ; l’autre à l’arrière pour un passager.
L’empennage se compose d’un plan mobile horizontal, d’une petite dérive et d’un gouvernail de direction.
Les deux machines seront naturellement pilotées par Descamps et Barbot.
M. Dewoitine est arrivé à Vauville où il va passer plusieurs jours avec l’espoir d’assister aux essais concluants de ses nouveaux appareils.
Dans la soirée, les frères Landes ont fait quelques essais de réglage avec leur fameux « Oiseau Bleu ».
Nous aurons connu ici bien des émotions. Cet après-midi, la lande de Vauville s’est enflammée. Une immense superficie de bruyère et de genêts a brûlé toute la soirée ; à minuit, le coup d’œil était féérique et tragique à la fois. Nous devons être, paraît-il, sans inquiétude pour le camp, encore éloigné de l’incendie.

Dimanche 12 août

Hier le vent venait de l’Est ; aujourd’hui, il a conservé cette direction jusqu’au milieu de l’après-midi puis a tourné brusquement à l’Ouest, en diminuant d’ailleurs d’intensité jusqu’à devenir nul.
Dans la matinée, aucun essai.
L’après-midi c’est la foule venue de Cherbourg et des environs dans l’espoir d’assister à quelques vols… On compte plusieurs milliers de personnes et quelque chose comme 600 voitures.
Descamps et Barbot sortent leurs avionnettes et s’envolent. Barbot toujours ennuyé avec son moteur revient bientôt atterrir. Descamps poursuit ses évolutions dans le joli style auquel il nous a habitués puis vient se poser sur le terrain. Gêné par la machine de Barbot, il heurte une tente et le mécanicien Pradère qui tentait de l’arrêter. Heureusement, il n’y a pas grand mal, et dès le lendemain l’avionnette sera remise en état.
Les frères Landes qui tenaient beaucoup à la qualification de leur appareil sont partis à la recherche d’un terrain où, en dépit du vent d’Est, ils aient la possibilité d’expérimenter leur machine. Ce terrain, ils le trouvèrent à trois ou quatre kilomètres de Biville et ils y transportèrent rapidement « l’Oiseau Bleu ».
A 15 heures nous étions nous-mêmes sur place en compagnie de Jean Hemmerdinger qui devait piloter la machine, du Commandant Destrel et de Roger Lallier, membres du jury. Après trois essais où l’appareil décolla sur quelques mètres seulement, Hemmerdinger réussissait un très joli vol de 13 sec. 2/5.
La tenue dans l’air de l’Oiseau Bleu était remarquable de stabilité et, sur tous les témoins, l’appareil fit vraiment la meilleure impression.
Vu en vol, à 10 mètres de haut, le planeur Landes se présente comme un véritable oiseau.
Au risque de contredire un de nos confrères, nous croyons sincèrement qu’il y a, dans la machine des frères Landes, un principe susceptible de donner de merveilleux résultats.
Évidemment, la machine a besoin d’être encore perfectionnée, mais l’effort de ses jeunes constructeurs n’en est pas moins beau, digne d’être admiré et soutenu.
Nous sommes également persuadés que Jean Hemmerdinger saura tirer de cette machine un excellent parti ; il a fait hier une nouvelle et très brillante démonstration de ses qualités de pilote et l’avenir nous montrera que sa « jeuness » - dont on a eu la bien singulière idée de lui faire grief – ne constitue nullement un obstacle à l’accomplissement de quelques belles performances.
A ce jours, deux appareils se trouvent donc qualifiés pour les expériences donnant lieu à l’attribution de primes :
1. Monoplan Thomas (n° 10), pilote Hemmerdinger ;
2. Monoplan Landes (n° 50), pilote Hemmerdinger.
Il va sans dire que les avionnettes Dewoitine de Descamps et de Barbot, étaient automatiquement qualifiées par leurs performances antérieures.
On annonce l’arrivée très prochaine de plusieurs appareils : les planeurs Saint-Aubin, Hées, Pocard, Montagne, etc et les avionnettes Marais, Peyret, etc.
L’avionnette Poncelet, malheureusement, est en panne à Saint-Valéry-en-Caux. Simonet rétabli, avait repris son vol quand il fut victime d’un accident de moteur : l’éclatement d’un cylindre. On ignore encore si l’accident pourra être réparé.
La lande de Vauville a continué de brûler toute la journée. Au milieu de la nuit, le feu paraissait s’apaiser.

Les Ailes n° 114 jeudi 23 août 1923

Le vent est venu et on vole à Vauville
De belles expériences sont déjà réalisées.
Maneyrol et Simonet sur avions sans moteur on volé plusieurs heures
Maneyrol sur son avionnette Peyret est monté à 2800 mètres en 34 minutes.

Lundi 13 août

Le vent fait toujours défaut… Et les critiques faciles de s’exercer, naturellement, au sujet du terrain choisi, de la période adoptée, etc. Il n’y a qu’à hausser les épaules et mépriser les propos inconsidérés des confrères de mauvaise foi.
On attend pour ce soir une première et courte visite de M. Laurent-Eynac qui arrive à Cherbourg à 15 heures.
Au terrain, peu d’activité. Lefort roule sur son triplan dont il met au point quelques détails ; le Grandin, monté par Cailleux, décolle mais trop sensible aux commandes, grimpe en chandelle et atterrit durement.
On rappelle, en conversant, que c’était hier l’anniversaire du pauvre de Pischoff qui fut un des promoteurs du Congrès, un des premiers partisans de l’avion à petite puissance.  Beaucoup de ses amis sont ici et ne pourront assister à la messe que l’on célèbre aujourd’hui à sa mémoire. Notre pensée, néanmoins, est avec lui.
L’après-midi est brumeuse. Quand M. Laurent-Eynac arrive au camp, le brouillard dissimule la plupart des tentes. Aussi abrège-t-on la visite du Ministre qui, demain, visitera officiellement le Congrès.
A 18 heures, un autobus emmène les congressistes à Cherbourg où la Municipalité offre un diner à M. Laurent-Eynac. Les pilotes, les constructeurs, le Jury, la Presse, le Comité directeur de l’A.F.A. sont représentés à ce diner servi à l’Hôtel du Casino. Deux discours seulement : un de M. Mahieu, Maire de Cherbourg, l’autre de M. Laurent-Eynac qui remercie Cherbourg de l’accueil réservé à l’Association Française Aérienne.
On regagne Vauville et Biville à minuit, dans une brume épaisse qui rend difficile la conduite des voitures.

Mardi 14 août

Journée intéressante par les à-côtés du Congrès. Le vent continue à bouder.
Vers 10 heures, M. Laurent-Eynac arrive au camp en compagnie du Commandant Husson et de toutes les notabilités de la Manche. MM. Carlier et Hébrard lui font les honneurs du camp et lui présentent les appareils.
On apprend l’arrivée imminente du Général Brancker, directeur de l’aviation civile britannique. Et effectivement, le Général Brancker qui a quitté Southampton à 10 h. 15 à bord d’un hydravion Supermarine, 500 HP Rolls-Royce, amerrissait une heure après à Cherbourg et se trouvait au camp Mouillard à midi, juste à temps pour déjeuner.
Le déjeuner offert à M. Laurent-Eynac et au Général Brancker par le Comité de Cherbourg fut servi sous la tente du restaurant Brisset. Il fut simple et cordial. On entendit au dessert plusieurs discours : ceux de MM. Lemoigne, député et Président du Conseil Général, le Préfet de la Manche, André Carlier, le Général Brancker et Laurent-Eynac.
M. André Carlier demanda à M. Laurent-Eynac d’aider l’Association Française Aérienne à faire de Vauville un champ d’expériences permanent et retraça les progrès accomplis dans la voie du vol sans moteur depuis le Congrès de Combegrasse.
M. Laurent-Eynac complimenta l’A.F.A. de ses initiatives heureuses et promit d’étudier la question du camp permanent. Il dit l’intérêt que présentait le vol à voile et le Congrès Expérimental à tant de points de vue et termina en annonçant une prochaine promotion de la Légion d’honneur, promotion qui comprendrait M. André Carlier et M. E. Dewoitine.
Après le déjeuner, on se rendit sur le terrain où André Thomas avait sorti son planeur. Le brave Hemmerdinger était déjà à bord. Les sandows furent tendus ; l’appareil libéré bondit vers la mer et effectua, comme les jours précédents, une magnifique descente terminée par un atterrissage impeccable sur la plage. Le Ministre félicita et le constructeur et le pilote.
Quelques minutes plus tard, un ronflement de moteur fait lever toutes les têtes. C’est l’hydravion Supermarine qui vient chercher le Général Brancker. Le bel appareil passe au-dessus du camp et s’en vient amerrir juste en face. Il vire, déploie son atterrisseur – il s’agit d’un avion amphibie – sort de l’eau, roule sur la plage et s’arrête. Six personnes en descendent : le pilote, le constructeur, deux mécaniciens, le Commandant Destrem et M. Sadot, trésorier du Comité de Cherbourg. M. Sadot avait été conduire en automobile à Cherbourg les aviateurs anglais qui avaient déjeuné au camp et avait regagné Vauville à bord du Supermarine. C’était son baptème de l’air.
Le Général Brancker descendit à la plage dans l’une des voitures Citroën, à propulseur Kégresse-Hinstin, en compagnie de M. Carlier et de plusieurs journalistes. Il nous fit ses adieux et s’embarqua… Le moteur démarra… et l’avion resta sur place, ses roues enlisées dans le sable. Plusieurs tentatives restèrent sans succès. C’est finalement grâce à la pelle d’un petit garçon qu’on put « désensabler » les roues et faire partir l’énorme machine. Celle-ci prit la mer, glissa longuement à sa surface et disparut en direction de Guernesey où se rendait le Général Brancker.
Au moment où l’avion démarrait, Barbot prenait son vol pour un essai d’altitude. Il accomplit à cette occasion de très belles évolutions sur son avionnette Dewoitine-Salmson, montant à plus de 1300 mètres et se classant ainsi pour le prix de la Région Économique de la Basse-Normandie. Son atterrissage fut très réussi.
De nouveaux appareils sont arrivés au camp : le petit ornithoptère de Garrouste, le monoplan Hées, l’avionnette et le planeur de Louis Peyret.

Mercredi 15 août

Ce 15 août a été navrant… C’est la journée noire qui devait nous enlever notre bon Hemmerdinger. Nous nous étions réveillés au bruit du vent sifflant dans les arbres. Allons-nous enfin tenir la bonne brise tant attendue ? – Non, le vent souffle du plein nord.
Nous ne montons au camp que l’après-midi au moment où vient de se produire l’horrible chute d’Hemmerdinger. Il était parti d’un petit terrain situé sur la gauche du camp en direction de Biville ; le départ avait été, comme toujours, magnifique et le vol durait depuis 45 à 50 secondes quand l’une des ailes se brisa. L’appareil qui, à ce moment, était à environ 30 mètres de haut, tomba immédiatement et, par malheur, à côté d’un bouquet d’arbres qui auraient pu amortir la chute. On sait le reste… on sait que les soins furent inutiles et que notre pauvre ami mourut ainsi sans reprendre connaissance.
Ce que furent les heures qui suivirent, on s’en doute : la consternation régnait parmi nous ; le chagrin nous étreignait…
Malgré l’indiscible tristesse, Maneyrol et Peyret décidèrent de sortir vers le soir. Maneyrol montait le Peyret-Sergant et Barbot le Dewoitine-Salmson. Celui-ci s’envola le premier, suivi à quelques secondes de Maneyrol. Tous deux s’étaient inscrits pour une expérience d’altitude tendant à l’attribution du prix de la Région Économique de la Basse-Normandie.
Cette double tentative fut très belle et très concluante puisqu’après 34 m. 30 s. de vol, Maneyrol avait atteint 2800 mètres au-dessus de son point de départ.  La durée totale du vol avait été de 52 minutes.
Quand à Barbot, il avait volé pendant 1 h. 26 ayant atteint en 1 h. 01 m. sa hauteur maximum qui fut de 2480 mètres.
Maneyrol détenait donc le prix de la Région Économique de la Basse-Normandie.

Jeudi 16 août

La mort d’Hemmerdinger a réduit notre entrain. C’est demain matin qu’auront lieu les obsèques, à 9 h. 30. Déjà arrivent de nombreux télégrammes de condoléances, de M. Laurent-Eynac, du Major Wright, de M. Manning – le pilote et le constructeur du Wren étaient au camp Mouillard mercredi – de Charles Dollfus, d’Henri Boucé, de Mlle de Pischoff, etc.
Au camp, journée calme. Il faut signaler cependant l’arrivée du Poncelet, venu du Havre à Cherbourg à bord d’un remorqueur, en compagnie de son pilote,  le sympathique V. Simonet, de son constructeur Poncelet et du Commandant Massaux. De Saint-Valéry-en-Caux où survint l’avarie que nous avons signalée, le planeur fut transporté jusqu’au Havre par les soins de M. Demontie, directeur de la S.A.B.C.A. qui, pour cela, avait quitté précipitamment Vauville où il était depuis le début du Congrès. Il faudra se souvenir que l’appareil Poncelet était un planeur que l’on avait transformé en avionnette et non une avionnette dont on a fait un planeur.
Comme avionnette – avec un moteur donnant un puissance maximum de 10 CV – il est allé de Bruxelles à Valenciennes, puis de Valencienne jusqu’à Saint-Valéry-en-Caux.
La journée au camp s’est résumée à un joli essai de Nessler qui a fait un vol de 9 secondes, puis un bond de 4 secondes, à une sortie de « l’ Oiseau Bleu » des frères Landes, à quelques petits essais du monoplan Sablier et de la machine de Pierre Hées.
L’essai vraiment intéressant a été celui de Barbot qui a expérimenté le planeur Dewoitine P-4 n° 1. Le vol a été assez impressionnant, la machine suivant la déclivité à quelques mètres au-dessus et venant se poser devant les dunes, après 52 secondes de vol. M. Dewoitine, à Vauville depuis quelques jours et qui part ce soir, a assisté à l’expérience qui fait honneur à Barbot. Il faudra toutefois attendre un vent plus fort pour se faire une idée exacte de la valeur du planeur.
Le Jury a décidé d’inviter les petits constructeurs à faire leurs essais sur la plage et à imposer un essai statique à tous ceux qui voudront prendre le départ du haut de la crête.

Vendredi 17 août

Les obsèques de Jean Hemmerdinger ont eu lieu ce matin. Elles furent profondément émouvantes. Les Congressistes suivirent le triste cortège de l’hôpital à la gare où devant le fourgon mortuaire, Bardot, au nom des pilotes, dit un dernier adieu à son jeune camarade. M. André Carlier, la voix coupée par les sanglots, parla au nom de l’Association Française Aérienne. Toutes les notabilités cherbourgeoises étaient présentes.
A midi, la cérémonie terminée, on regagna le camp en autobus.
L’après-midi, les expériences reprirent et débutèrent par un vol magnifique du planeur Poncelet. Victor Simonet – qui est, rappelons-le, notre dévoué correspondant de Bruxelles – prit place dans l’appareil et  à 3 h. 52 décollait, en quelques mètres, presque sur place. Le vent soufflait enfin de l’Ouest à un vitesse moyenne d’environ 10 mètres-seconde.
L’ascendance du vent était remarquable et en deux ou trois minutes, Simonet se trouvait à plus de 150 mètres de hauteur. Après être resté un bon moment sur place, il commençait à naviguer le long de la crête, accomplissant des évolutions qui soulevèrent l’admiration des spectateurs. Lorsqu’il se décida à atterrir, Simonet réalisa une des plus belles manœuvres que nous ayons encore vues, louvoyant, virant au-dessus du camp avant de « prendre son terrain ». Il arriva enfin dans la ligne des hangars, traversa le camp à 1 mètre du sol et, repris par le courant ascendant, repartit de plus belle à 100 mètres de haut.
On eut vraiment l’impression d’un avion à moteur dont le pilote « remettait la sauce » - pour employer l’expression consacrée – au moment opportun. Après avoir été virer sur Vauville, Simonet atterrissait sur la plage face au camp, après avoir volé à voile 47 min. 35 sec. Seul, le brouillard qui se levait, le crachin local, avait obligé l’excellent pilote belge à atterrir.
Sa machine, crée par Poncelet, est une belle réalisation dont la jeune industrie aéronautique belge peut être justement fière.
Le brouillard s’intensifia encore après l’atterrissage de Simonet au point de dissimuler complètement le camp. Puis vers 18 heures, le temps s’éclaircit.
C’est alors que Descamps fit sortir le deuxième planeur Dewoitine type P-4. Le vent soufflait à 14 m.-Sec. Lorsque sous la poussée des sandows, il décolla. On eut immédiatement l’impression que quelque chose n’allait pas car au lieu de monter dans le joli style habituel aux planeurs Dewoitine, le P-4 s’enfonça malgré les efforts visibles de son excellent pilote pour le redresser. La chute s’accélérait et comme nous nous précipitions vers le Thot, véritablement angoissés, la machine passait entre deux arbres où elle laissait ses ailes. Le fuselage continuait sa course et venait choir dans la prairie…
Descamps, certainement moins ému que nous, quittait son siège et remontait à pied jusqu’à l’ambulance où le Dr Mangin constatait son parfait état. Descamps l’avait échappé belle…
Il est encore prématuré de chercher la cause de la chute. Des confrères, de leur bureau de Paris, l’ont expliqué délibérément avec autant de ridicule que d’inexactitude.
La seule chose qu’on puisse dire est que la machine paraissait ne pas répondre à la commande de profondeur. L’excellent ingénieur qui l’a conçue saura tirer de l’accident l’enseignement qu’il comporte et apporter à la défectuosité que présente l’appareil le remède efficace et nécessaire.

Samedi 18 août

Le vent d’Ouest continue à souffler…
Rendons justice à l’Office National Météorologique qui nous avait indiqué le mois d’Août comme le plus favorable à nos expériences. Encore une fois, nous n’avions jamais espéré trois semaines pendant lesquelles le vent d’Ouest soufflerait sans arrêt. Si nous avons trois ou quatre journées favorables, cela nous suffira.
Et cela a suffi à Simonet et à Maneyrol pour accomplir de magnifiques performances.
Simonet et Maneyrol nous font assister à un duel franco-belge dont on ignore encore l’issue. Quel que soit le lauréat, nous le saluerons avec la même joie. La Belgique a fait un si bel effort qu’elle mérite d’en être récompensée avec ses sympathiques représentants.
Le planeur Poncelet avait été remonté le matin de la plage ; dès le début de l’après-midi, il était prêt pour un nouveau vol. Et effectivement, Simonet s’envolait comme la veille, avec la même facilité, dans un style de toute beauté. Il vola ainsi 1 heure 2 minutes 3 secondes, au cours de laquelle il atteignit l’altitude de 182 mètres au-dessus de son point de départ, devenant par cette performance détenteur du prix Louis Bréguet.
Par son vol d’hier, Simonet, de plus, venait en tête des expériences de durée et de totalisation des durées. Maneyrol allait lui ravir cette place.
Maneyrol, grand favori des cherbourgeois, s’envolait à son tour, un peu après l’atterrissage de Simonet. L’appareil bondit littéralement dans le ciel et commença à évoluer avec aisance au-dessus de la région que son pilote connaît si bien. Le planeur Peyret se détache sur le fond gris des nuages ; sa silhouette si caractéristique le distingue très nettement, même lorsqu’il est très éloigné, du planeur Poncelet. C’est vraiment un autre école…
Moins haut que n’était tout à l’heure le Poncelet, le Peyret évolue au-dessus de la crête, parfois très en avant de celle-ci, poussant jusqu’à Vauville où il vire pour reprendre la direction du camp. C’est seulement après 2 heures 13 minutes 35 secondes de vol que Maneyrol atterrit. Il se pose, sans secousse, à 25 mètres de son hangar.
Maneyrol est maintenant le lauréat du Congrès s’attribuant provisoirement les premières primes de la durée et de la totalisation des durées.

Dimanche 19 août

Le match France-Belgique se poursuit…
A 8 h. 30 du matin, Simonet prend le départ pour un vol qui va durer 59 minutes 17 secondes. Le bon pilote belge s’est trop avancé au-dessus de Vauville et de la mer ; il a quitté la zone favorable et après dix minutes d’admirables efforts, ne pouvant remonter la côte, il se décide à atterrir sur la plage. La Belgique est revenue en tête de la totalisation avec 2 h. 48 m. 55 s.
A 14 heures 17, le planeur Poncelet ayant été remonté au camp, Simonet s’envole de nouveau. Sa maîtrise augmente visiblement avec l’expérience ; sa connaissance du terrain lui permet maintenant des évolutions beaucoup plus hardies en avant aussi bien qu’en arrière de la crête.
Tandis que Simonet poursuit sa ronde, Maneyrol décolle sur son Peyret. Les deux appareils volent de conserve et, de ce fait, l’intérêt du spectacle augmente. Simonet se tient toujours à 50 mètres au-dessus de Maneyrol qui vire, monte, descend avec une aisance parfaite. Maneyrol a quitté le sol à à 14 h . 40 ; il revient atterrir au même point que la veille après avoir tenu l’air 2 heures 39 minutes 41 secondes. Avec son vol d’hier Maneyrol totalise ainsi 4 h eures 53 minutes 16 secondes.
Quelques minutes après l’atterrissage de Maneyrol, Simonet, qui a viré sur Vauville, revient à toute allure, amorce un nouveau virage, pique, se redresse et se pose doucement sur le terrain où, comme Maneyrol d’ailleurs, il est vivement acclamé. Simonet a volé 2 heures 58 minutes 43 secondes ce qui porte à 5 heures 47 minutes 8 secondes son chiffre de totalisation.
Simonet conserve donc la tête des expériences de totalisation et reprend la première place des expériences de durée.
Comme on le voit, la journée a donc été intéressante.
Sur la plage où l’on a descendu plusieurs appareils, le planeur Landes a fait ses premières expériences dans le vent horizontal. Des résultats fort encourageants ont été obtenus, avec comme pilote, Lefort. En présence de M. Abrial de Pega, commissaire,  Lefort a réalisé une demi-douzaine de vols ; le dernier, effectué vent debout, a duré 39 secondes. L’appareil aurait même volé plus longtemps si la proximité de la mer n’avait obligé son pilote à atterrir prématurément. Si le Jury homologue cette performance, les frères Landes pourraient ainsi prétendre à l’attribution de la première prime pour les vols dynamiques.
L’appareil Bardin est arrivé au camp ; c’est le Lieutenant Thoret qui le pilotera. Le cinquième Dewoitine est en gare : Descamps et Barbot le piloteront tour à tour.
Ainsi 28 appareils seront au camp Mouillard.

Les Ailes n° 115 jeudi 30 août 1923

En dix jours, d’importants résultats on été acquis
Poncelet, Dewoitine, Peyret et Bardin sont les lauréats du Congrès de Vauville

Lundi 20 août

Le vent continue à souffler de l’Ouest et les prévisions météorologiques restent favorables. La petite station de l’Office National Météorologique établie à Vauville fournit aux Congressistes des renseignements très précieux sur la direction et la force du vent. Sous la direction du Sergent Albert Kelder, les quatre soldats météorologistes qui assurent le fonctionnement de cette station mettent une extrême bonté à rendre service aux Congressistes.  Ils accomplissent leur tâche aussi bien qu’on peut le désirer et il faut les en féliciter. Ce sont MM. Pierre Gobert, Jean Laurona, Maurice Simon et le soldat-horloger Norbert Foulny.
Ce matin, Maneyrol n’a pas perdu de temps. A 7 h . 25 il prenait le départ par vent d’Ouest de 9 mètres à la seconde et tournait pendant 2 heures 40 entre le camp et Vauville, totalisant ainsi 7 heures 33 minutes 16 secondes. Maneyrol et son planeur Peyret reprenait ainsi la tête dans les expériences de totalisation. Assez fatigué, il interrompait son vol en venant atterrir vers 10 heures dans la prairie contiguë au château de Vauville ; la brume d’ailleurs ne lui permettait pas de tenir plus longtemps. Elle envahissait bientôt la crête rendant impossible le séjour en l’air des pilotes.
Simonet, lui, sur son excellent planeur Poncelet, partait à 9 h. 11 avec la même facilité que les jours précédents. Il volait 54 minutes, arrêté au bout de ce temps par la brume et le fameux crachin. Obligé d’aller se poser sur la plage, il essayait de prolonger son vol le plus possible et y réussissait assez bien puisqu’il allait atterrir à 3 km 200 de son point de départ. Simonet prenait donc la première place des vols de distance.
 Dans l’après-midi, le temps s’améliorait…
Maneyrol, sérieusement souffrant, avait dû regagner Cherbourg, laissant la place libre à Simonet. Le bon pilote belge s’envolait de nouveau à 15 heures 30. Hélas, la brume revenait avec plus d’intensité que jamais, interrompant une randonnée bien commencée… Simonet allait être contraint d’atterrir… Il s’y décida en cherchant à améliorer la performance de distance qu’il avait accomplie le matin. Se dirigeant vers Siouville, il s’approcha de la plage où la haute falaise fait place à des petites dunes de 3 à 6 mètres de haut. Et au-dessus de ces dunes, Simonet trouva encore un courant suffisant pour le porter, entre 4 et 5 mètres d’altitude, deux kilomètres plus loin, où il se posa définitivement. L’expérience était remarquable : des dunes ayant moins de 6 mètres de haut, parfois moins de 3 mètres permettent à un planeur de se sustenter sans le secours d’un moteur. Simonet dont le vol avait duré 40 minutes, était allé atterrir à 5 km 100 de son point de départ.
Le mauvais temps interrompit là les expériences de la journée. Une brume épaisse recouvrit le camp, s’opposant à toute autre sortie.
Le Jury a décidé de retenir la belle expérience faite hier par Lefort sur le planeur des frères Landes. Ceux-ci détiennent donc la première prime des expériences de vol dynamique avec le temps record de 39 secondes.
Ce soir, on peut ainsi donner le résultat des expériences faites jusqu’ici :
-Expériences de durée : 1. Simonet avec 2 h. 58 m. 13 s. – 2. Maneyrol avec 2 h. 40 m.
- Expériences de totalisation : 1. Maneyrol 7 h 33(53 ?) m 46 s – 2. Simonet 7 h 21 m 8 s.
- Expérience de distance : 1. Simonet 5 km 100 (Prix René Quinton)
- Expériences de hauteur : 1. Simonet 182 m (Prix Louis Bréguet) – 2. Maneyrol 69 m
- Expériences de vol dynamique : 1. Landes-Derouin avec 39 s (Prix de la Chambre de Commerce)
- Expériences de hauteur pour avionnettes : 1. Maneyrol sur Peyret-Sergant avec 2800 m.

Mardi 21 août

Voilà cinq jours que le vent d’Ouest souffle autant qu’on pouvait le désirer…en dépit des confrères de mauvais augure. Les expériences continuent et l’intérêt de cette journée a été plus grand encore que celui des jours précédents.
Le matin, essai du planeur Dewoitine type Biskra. Barbot descend sur la plage. Les bons mécaniciens Pradère et Jay battent un record en remontant l’appareil de la plage au terrain en 25 minutes, aidés seulement de quelques marins. Descamps prend la place de Barbot et… redescend sur la plage où l’appareil, pris par le vent, se retourne, heureusement sans grand mal. Descamps, Jay et Pradère travailleront jusqu’à 22 heures, ce soir, à le remettre en état.
L’après-midi est marquée par les départs successifs, à 2 minutes d’intervalle, de Simonet et de Maneyrol. Le duel franco-belge, duel amical, loyal, intéressant, continue avec plus d’âpreté que jamais. Il allait durer jusqu’à la nuit et se terminer, pour la journée, par la victoire de Maneyrol. Un peu après 20 heures, Simonet, transi et fatigué, revient atterrir : il a volé 4 heures 6 minutes 20 secondes . Maneyrol continue, puis se pose alors que le soleil se cache derrière l’île d’Aurigny dans un décor incomparable. Maneyrol a volé 4 heures 22 minutes 13 secondes.
Maneyrol repasse en tête des expériences de durée avec 4 h 22 m 13 s et de totalisation avec 11 h 55 m 29 s. Les chiffres de Simonet sont de 4 h 6 m 20 s et 11 h 27 m 28 s. Simonet , en outre, a atteint la hauteur de 221 mètres.
Pendant que Maneyrol et Simonet poursuivaient leur ronde, Barbot faisait sortir son Dewoitine-Salmson pour une expérience de distance avec moteur auxiliaire. Les conditions de l’expérience avaient été modifiées, après accord avec le Jury et les… (lignes manquantes) …au point de départ – en tout 20 km – en dépensant le minimum en carburant, sans dépasser la limite de un demi-litre aux 6 kilomètres, soit pour l’ensemble du parcours, 1 litre 700. L’expérience fut extrêmement concluante puisque Barbot accomplit le trajet en consommant 1 litre 125 d’essence ; au retour, environ à 3 km après le virage de Jobourg, le moteur s’arrêta net… Barbot regagna le terrain en vol à voile, parcourant ainsi 7 km sans recourir à une autre force motrice que le vent ascendant. Il s’offrit même le plaisir de repartir vers Vauville après être revenu à son point de départ, accompagnant Maneyrol et Simonet dans leur vol silencieux. Les trois avions, évoluant de conserve, sans bruit, sur les couches du vent, constituaient un fort joli spectacle. Barbot atterrit ensuite, sans heurt, complimenté par tous.
A noter, en dehors de ces expériences vraiment intéressantes, les essais du Triplan Lefort, du parasol Sablier – qui décolla facilement – et du Pigeon Garrouste.
Après le départ du Commandant Destrem et du Capitaine Philippe, le Jury se compose encore du Colonel Renard, arrivé la veille, de MM. Marcel Riffard et du Capitaine Suffrin-Hébert qui, infatiguables, chronomètrent, contrôlent, surveillent avec une inlassable activité, aidés de commissaires complaisants tels que MM. Auger père et fils, Robert Collins, Latu, de Péga, Le Bolloc’h, etc.
La journée a également été marquée par la visite de l’Amiral Barthes, commandant en chef des frontières maritimes du Nord-Est ; l’Amiral Barthes a longuement visité le camp Mouillard, s’est intéressé aux expériences et a complimenté chaleureusement l’Association Française Aérienne de l’œuvre qu’elle avait accomplie en si peu de temps. Trois hydravions du centre de Cherbourg ont évolué sur le camp pendant la durée de la visite de l’Amiral Barthes.

Mercredi 22 août

Le vent est toujours favorable…
Et maintemant qu’ils ne peuvent plus critiquer ni le choix du terrain ni celui de l’époque, nos malheureux confrères – systématiquement hostiles à nos efforts – contestent l’intérêt des expériences qui se déroulent ici. Un journal sportif, par exemple, nie l’intérêt de la totalisation des vols, parce que, dit-il, il n’y a plus en jeu que la valeur sportive des pilotes, leu « cran », leur résistance physique. Il est pour le moins piquant de voir un journal de sports faire état d’un pareil argument… On a ainsi une idée exacte de sa bonne foi et de son impartialité.
Aussi bien, cela est de peu d’importance. Ce qui est important, ce sont les très jolies performances auxquelles nous avons assisté aujourd’hui. La Coupe Dreyfus, créée par M. M. Dreyfus à la suite de la campagne du Colonel Quinton, dans le Matin, a eu dans la journée deux tenants successifs. C’est d’abord Descamps qui, sur le planeur Dewoitine n° 19 a pris le départ à 8 h 45 pour un joli vol qui a duré 1 h 18 m 15 s. On sait que la coupe Dreyfus consiste en une épreuve de distance – minimum 25 km – à courir sur une base d’au moins 1 km et réservée naturellement aux avions sans moteur ; la base a été établie entre Biville et Vauville. A chaque point de virage se tenaient plusieurs commissaires.
Descamps, régulièrement engagé auprès de l’Aéro-Club de France, a couvert 30 km dans son vol de la matinée, montant, au cours de ce vol, à 170 mètres au dessus de son point de départ. Le fonctionnement imparfait de ses ailerons, seul, l’obligea à arrêter sa ronde.
Simonet, de son côté, partait à 9 h 26 et faisait un vol de 59 m 50 s sur son planeur Poncelet. Il reprenait ainsi la première place de la totalisation avec 12 h 27 m 18 s. Le barographe indiqua une hauteur de 180 mètres.
Barbot décida à ce moment de prendre la place de Descamps à bord du planeur Dewoitine, pour tenter un vol de durée et de s’attribuer la Coupe Dreyfus, détenue depuis le matin par Descamps. En même temps, il décidait de courir la Coupe Tito-Landi dont les conditions sont sensiblement les mêmes que celles de la Coupe Dreyfus. Et il s’envolait à 11 h 56. On sait que ce vol ne se termina qu’à 18 heures, Barbot volant sans arrêt pendant  6 h 4 m 2 s. Ce vol fut vraiment merveilleux par sa régularité et la précision des virages de Barbot aux deux extrémités de la base d’un kilomètre. Il passa 106 fois à un pylône et 107 fois à l’autre, ce qui donne la distance de 212 km. Sous réserve d’homologation par la Commission Sportive de l’Aé.C.F. Barbot est ainsi le détenteur actuel des Coupe Dreyfus et Prix Tito-Landi. Il monta, au cours de son vol de 6 heures à 191 mètres au-dessus de son point de départ.
Avec le vol de Descamps, le planeur Dewoitine n° 19 totalise à l’heure actuelle 7 h 22 m 17 s.
Pendant que s’effectuait la ronde de Barbot, Simonet s’élançait de nouveau dans l’espace. Il devait tenir l’air 3 h 39 m 30 s portant ainsi sa totalisation à 16 h 6 m 48 s en prenant sur Maneyrol un avance considérable. Il visait en même temps à améliorer sa performance de hauteur qui le faisait détenteur du Prix Louis Bréguet. Et dans cette tentative, il réussit magnifiquement puisqu’il atteignit la hauteur impressionnalte de 277 m 50 au-dessus de son point de départ. Les qualités du planeur Poncelet vont ainsi en s’affirmant de jour en jour…
La journée qui fut une des plus intéressantes du Congrès ne devait pas s’arrêter là ! Maneyrol allait faire sur le circuit Camp Mouillard-Jobourg et retour une expérience de consommation. Il montait l’excellent avionnette Peyret, munie d’un moteur Segant et d’une hélice Lumière. Maneyrol couvrit le circuit en 22 m 23 s consommant seulement 675 centimètres cubes d’essence ! Il enlevait ainsi à Barbot la première prime affectée à ces expériences, Barbot ayant consommé, comme nous l’avons…
(coupure)

Jeudi 23 août

Le vent a tourné au Sud, glissant maintenant sur les falaises de Vauville au lieu de les attaquer de front. L’ascendance, dans ces conditions, n’est pas fameuse. Mais le planeur Poncelet a tout de même pris l’air pour un vol que Simonet a réussi à étendre pendant 1 h 33 m 10 s. Simonet est vraiment un pilote étonnant ; il joint à cette qualité professionnelle une simplicité et une modestie rares que les lecteurs des Ailes ont d’ailleurs pu apprécier depuis longtemps. Le petit groupe belge qui est à Vauville ne compte que des amis tant il s’est rendu sympathique. Avec sont joli vol de la matinée, le planeur Poncelet totalise à présent le chiffre respectable de 17 heures 39 minutes 28 secondes ; le planeur Peyret de Maneyrol vient en second avec 11 heures 55 minutes 29 secondes.
Le monoplan de Charles Marais, transformé en planeur, est arrivé ce matin par la route. C’est une très jolie petite machine, bien conçue, bien réalisée, sur laquelle il nous faudra revenir. Marais, avec beaucoup de courage, s’est attelé au montage de l’appareil qui sera peut-être prêt demain.
L’après-midi la pluie empêcha toute expérience ;  elle tomba sans discontinuer jusqu’au soir, permettant aux pilotes de prendre un repos bien mérité.
Le Congrès prendra fin dimanche soir ; quelques machines resteront cependant au camp pour continuer les expériences commencées.
Le Lieutenant Le Petit sur le Spad 220HP, aménagé en vue de l’émission de fumée, a atterri ce matin sur la plage venant de Paris. Il va entreprendre toute une série de recherches sur les vents ascendants au moyen de cette machine dont les Ailes ont longuement parlé.

Vendredi 24 août
Vent faible… Le matin, Thoret sur le grand monoplan Bardin réussit un vol de qualification de 11 sec. 3/5
La journée paraissait devoir être assez calme ; en réalité l’intérêt fut encore plus grand que les jours précédents. Le vent ayant légèrement augmenté d’intensité et étant revenu plus franchement à l’Ouest, le branle-bas fut donné au camp et plusieurs appareils se disposèrent à sortir.
C’est d’abord Maneyrol qui, après un départ assez mouvementé sur le Tandem Peyret, prend de la hauteur et commence ses évolutions tantôt au-dessus de la mer, tantôt au-dessus des landes. Il devait ainsi voler 3 h 14 m 30 s.
Simonet suivit Maneyrol dans l’espace, mais par suite d’un brusque retour du sandow, celui-ci resta accroché à l’appareil et s’en alla avec lui. Simonet qui sentait que quelque chose n’allait pas ne s’aperçut pas de sa surcharge imprévue. Il tint l’air 10 minutes, mais ne parvenant pas à prendre de la hauteur, il atterrit dans le pré du – ( ?). Le sandow qui pesait plus de 15 kilos et mesurait 40 à 50 mètres de long offrait une énorme résistance à l’avancement de la machine et il est même remarquable que celle-ci ait pu voler aussi longtemps dans de telles conditions.
L’équipe belge, accourue avec quelques marins, aida Simonet à remonter le planeur au camp d’où il repartit sans encombre cette fois, pour un beau vol de 1 h 44 m50 s. Mais pendant ce temps, Maneyrol avait regagné deux heures sur la totalisation de Simonet. Celui-ci, néanmoins, conservait la tête.
Descamps, de son côté, avait aussi pris l’air sur le planeur Dewoitine. Avec son habileté coutumière, l’excellent pilote évolua longuement entre Biville et Vauville n’atterrissant qu’après 2 h 46 m 45 s de vol.
Thoret avait décidé, lui aussi, de sortir son monoplan Bardin. L’immense machine glissa lentement sur la pente et décolla majestueusement, se maintenant à faible hauteur. Thoret se promena tranquillement le long de la crête entre 40 et 50 mètres de haut pour atterrir parfaitement après une randonnée de 1 h 14 m 10 s. C’était pour l’appareil un joli début. Le Bardin est un monoplan de 21 mq, à ailes épaisses rectangulaires, comportant un gros fuselage de section carrée. Le pilote est tout à l’avant, les ailes derrière lui ; le train d’atterrissage, réduit à sa plus simple expression, se résume à un essieu reposant sur les longerons inférieurs du fuselage, sans l’intermédiaire du moindre amortisseur.
Barbot fit deux tentatives de hauteu ; deux fois son moteur s’arrêta alors que la machine se trouvait à environ 200 mètres. Chaque fois, Barbot en profita pour réaliser un vol à voile, allant évoluer, moteur calé, autour des planeurs, montant, descendant à sa guise.
A ce moment, nous avions le spectacle peu banal de cinq appareils évoluant simultanément en vol à voile, à des hauteurs différentes, les uns immobiles sur les courants ascendants, les autres se déplaçant, au contraire, à 60 à l’heure le long de la falaise. C’est la première fois qu’on voyait cinq avions sans moteur évoluant en même temps.
Dans la soirée, on assista à quelques essais de terrain plat. Hées décolla mais creva un pneu. Sablier, montant lui-même son petit monoplan parasol fit quelques lignes droites à 5 ou 6 mètres du sol.
Charles Marais voulut faire un essai en vue de la qualification de sa machine qui est réellement intéressante. Il partit, décolla, mais le vent ayant « accroché » une des ailes, l’appareil fit un cheval de bois, se dressa verticalement sur l’extrémité de ses plans et se retourna avec fracas. Par miracle, Marais se tira indemne de l’aventure et l’appareil n’eut pas trop de mal.
Nous avions eu dans la matinée un essai du biplan Tomasini à dièdre réglable. Pilotée par Cailleux, la machine a décollé sur quelques mètres.

Samedi 25 août

 

Dimanche 26 août

Pas de chance… Le vent souffle violemment mais la pluie l’accompagne. Les crêtes de Vauville-Biville disparaissent complètement dans le brouillard. Vers 13 h, le temps s’améliore légèrement.
Et sans attendre davantage, Thoret et son Bardin s’envolent suivi bientôt de Simonet sur son planeur Poncelet. Simonet pour son dernier vol, va tenir l’air 2 heures 11 minutes. Il aura ainsi totalisé pendant les dix derniers jours du Congrès 24 heures 25 minutes 8 secondes. Le vaillant pilote belge a dépassé le record de totalisation établi à Biskra par Descamps. La Belgique peut être fière de son pilote qui, servi, il est vrai, par un excellent appareil, aura fait preuve durant son séjour à Vauville d’une endurance exemplaire.
Thoret pour sa part allait nous faire éprouver de nouvelles et fortes sensations. Après avoir tourné quelques minutes au-dessus de la falaise pour prendre de la hauteur, il s’en alla délibérément en direction de Jobourg afin de réaliser un vol de distance. Il traversa les trois coupures de Vauville, manqua descendre à la troisième, se releva, remonta, et à force de courage et de manœuvres plus savantes les unes que les autres, dépassa les rochers des Bréquets. Hélas Thoret ne pouvait songer à remonter au sommet de la falaise qui, de 130 mètres d’altitude descend à pic dans la mer. Pas de terrain possible ; en bas… rien que des rochers épars. Il n’y avait pas d’autres possibilités que de se poser sur la mer. Thoret s’y résigna et descendit sur les flots comme s’il était à bord d’un hydravion ? Il se déshabilla, fit un paquet de ses vêtements et de ses instruments de bord et regagna la rive à la nage ; il repartit plusieurs fois jusqu’à son appareil, essayant de le sauver mais n’y parvenant pas. Après mille péripéties qu’il est trop long de conter, au cours desquelles Thoret accomplit de véritables exploits de natation et d’alpinisme, les secours arrivèrent et… on ramena Thoret sain et sauf à Biville. Le monoplan Bardin était détruit, Thoret mouillé, mais le record de distance était battu. M. Roger Lallier établit les repères d’amerrissage et calcula la distance parcourue en ligne droite depuis le point de départ. Elle était de 8 kms 250.
Pour cloturer la dernière journée du Congrès, Maneyrol et Descamps évoluèrent ensemble au-dessus du camp Mouillard, Descamps manoeuvrant merveilleusement dans ses virages, passant plusieurs fois au-dessus de la piste, avant de venir atterrir, un peu rudement dans un terrain couvert de hauts genêts.
Le IIe Congrès Expérimental était terminé.
Il reste à en tirer les nombreux enseignements qu’il prodigue. Nous n’y manquerons pas. Ce soir, veille de départ, contentons-nous d’enregistrer le succès de cette manifestation due à l’Association Française Aérienne et aux personnalités cherbourgeoises qui l’aidèrent dans une tâche utile et louable.


RÉFÉRENCES

[1] Le IIe Congrès expérimental, le vol à voile à Vauville, par Georges Houard, Les Ailes n° 112, jeudi 9 août 1923
[2] Le IIe Congrès expérimental d'aviation sans moteur, par Georges Houard, Les Ailes n° 113, jeudi 16 août 1923
[3] Le vent est venu et on vole à Vauville, par par Georges Houard, Les Ailes n° 114, jeudi 23 août 1923
[4] En dix jours d'importants résultats ont été acquis, par Georges Houard, Les Ailes n° 115, jeudi 30 août 1923

Page mise à jour le 24/03/2019
Des vieilles toiles aux planeurs modernes © ClaudeL 2003 -