Le recodr de distance de Joseph Thoret - Vauville (26 août 1923)
 
Après le succès du congrès expériemental de vol sans moteur de Combegrasse, en août 1922, l'AFA [Association Française Aérienne] projette d'organiser un deuxième congrès en 1923.: après quelques prospections effectuées par Alexis Maneyrol, le site choisi en début d'année 1923 est Vauville, petit village sur la côte ouest du Cotention..La date est fixée du 2 au 26 août 1923. Ce sera "Le deuxième congrès expérimental de Vauville 1923"

Vauville 1923 - Atterrissage de THORET sur le planeur Bardin (n° 34) [5]
Dans la liste des participants figure René BARDIN avec un planeur de sa conception, le B-1, inscrit sous le numéro 34, le pilote prévu étant Joseph THORET,
On sait peu de choses de René BARDIN, si ce n'est qu'il a fondé, en 1925, l'ETACA, École des Techniques Aéronautiques et de Construction Automobile, qu'il dirigera jusqu'à sa mort en 1960.
En revanche, Joseph Juste THORET [1888-1971] était très connu dans le petit monde du vol sans moteur français. Lieutenant dans l'Armée de l'Air, il avait participé au Congrès expérimental de Combegrasse en aôut 1922, sans grand succès il faut le dire, comme pilote du Dewoitine n° 41. On le retrouve à Biskra (Algérie) en décembre 1922, où il prospecte la région pour préparer le concours qui aura lieu du 26 janvier au 6 février 1923. Il réalise un exploit avec son avion Hanriot HD-14,en volant 7 heures et 3 minutes, hélice calée ! Exercice dans lequel il dont il s'était fait une spécialité
Rappelons que le record du monde de durée en planeur était alors de 3 h 22, propriété d'Alexis MANEYROL depuis le concours d'Itford Hill (Angleterre) en octobre 1922.
Le planeur Bardin B-1
Nous n'avons assez peu d'informations sur le planeur Bardin. [voir sa fiche].

"Le Bardin est un monoplan de 21 mq, à ailes épaisses rectangulaires, comportant un gros fuselage de section carrée. Le pilote est tout à l'avant, les ailes derrière lui ; le train d'atterrissage, réduit à sa plus simple expression, se résume à un essieu reposant sur les longerons inférieurs du fuselage, sans l'intermédiaire du moindre amortisseur."


Thoret discute avec Eric NESSLER avant de décoller [Coll. Christian Noël]
Notons la perche à l'avant qui porte la sonde Badin de l'indicateur de vitesse
Le B-1 à Vauville

On ne parle du planeur B-1 qu'en toute fin de concours, à partir du 24 août.
On peut ainsi lire dans l'hebdomadaire Les Ailes :

18 août : Le monoplan Bardin, que pilotera le lieutenant Joseph Thoret, est à Vauville.

19 août : L'appareil Bardin est arrivé au camp ; c'est le Lieutenant Thoret qui le pilotera.


"Le vendredi 24 août, le matin, à Vauville, le vent souffre de l'Ouest à 10 m/s. Thoret sur le grand monoplan Bardin réalise au camp de Vauville un vol de qualification de 11 s 3/5.
[Un vol de 10 secondes minimum sur terrain plat était préalablement exigé des participants avant qu'il puissent tenter des vols plus conséquents dans la pente.]
Ce même jour, l'après-midi, Thoret décide de sortir son monoplan Bardin. L'immense machine glissa lentement sur la pente et décolla majestueusement, se maintenant à faible hauteur. Thoret se promena tranquillement le long de la crête entre 40 et 50 mètres de haut pour atterrir parfaitement après une randonnée de 1 h 14 m 10 s. C'était pour l'appareil un joli début. Outre Thoret, on verra quatre planeurs en vol simultanément dans le ciel de Vauville : le belge Victor SIMONET, et les français DESCAMP, MANEYROL et BARBOT"

"Le samedi 25 août, Thoret sur le monoplan Bardin, accomplissait de fort belles évolutions faisant volontairement des « montagnes russes » pour se maintenir en l'air malgré la très faible vitesse du vent. Il réussissait à tenir 2 h 58 m 35 s bien que le vent baissât de plus en plus. "
Ce vol lui permit à Thoret de recevoir le 4e prix du concours de durée. Il recevra aussi le 4e prix pour la totalisation des durées, [avec un total de 5 heures, 12 minutes et 45 secondes], prix de 1.000 francs offert par le Conseil général de la Manche.

Le record de distance

Le lendemain, dimanche 26 août, est le dernier jour du concours.
Nous laissons Les Ailes [4] relater le vol record de THORET :

" Pas de chance... Le vent souffle violemment mais la pluie l'accompagne...
Les crêtes de Vauville-Biville disparaissent complètement dans le brouillard.
Vers 13 heures, le temps s'améliore légèrement. Et sans attendre davantage, Thoret et son Bardin s'envolent, suivis bientôt de Simonet sur son planeur Poncelet...
Thoret, pour sa part, allait nous faire éprouver de nouvelles et fortes émotions. Après avoir tourné quelques minutes au-dessus de la falaise pour prendre de la hauteur, il s'en alla délibérément en direction de Jobourg afin de réaliser un vol de distance.
Il traversa les trois coupures de Vauville, manqua descendre à la troisième, se releva, remonta, et à force de courage et de manoeuvres plus savantes les unes que les autres, dépassa les rochers des Bréquets. Hélas, Thoret ne pouvait songer à remonter au sommet de la falaise qui, de 130 mètres d'altitude descend à pic à la mer. Pas de terrain possible, en bas... rien que des rochers épars.
Il n'y avait pas d'autres possibilités que de se poser sur la mer. Thoret s'y résigna et descendit sur les îlots comme s'il était à bord d'un hydravion Il se déshabilla, fit un paquet de ses vêtements et de ses instruments de bord et regagna la rive à la nage ; il repartit plusieurs fois jusqu'à son appareil, esseyant de le sauver mais n'y parvenant pas.
Après mille péripéties qu'il est trop long de conter, au cours desquelles Thoret accomplit de véritables exploits de natation et d'alpinisme, les secours arrivèrent et... on ramena Thoret, sain et sauf, à Biville. Le monoplan Bardin était détruit, Thoret mouillé, mais le record de distance était battu...
M. Roger Lallier établit les repères d'amerrissage et calcula la distance parcourue, en ligne droite, depuis le point de départ. Elle était de 8 kms 250."


Trajet de Thoret lors de son vol record [5]

Pour son vol record, TH0RET recevra un prix de 5.000 francs (Prix René Quinton) et une plaquette de vermeil de l'Aéro-Club de France.


Thoret donne les consignes aux marins qui vont tirer les sandows pour le décollage [Coll. Christian Noël]
Dans un petit fascicule intitulé "Vauville, haut-lieu du vol à voile français" recueil d'articles qu'il a publié en 1969 [7], Georges Abrial relate le vol de Thoret en ces termes :
"... La performance la plus marquante fut le record de distance, battu par Thoret, le 26 août, dans des conditions épiques : volant d'abord sur la pente, devant le Camp, il s'éloigna ensuite vers le Nord, longeant les falaises dont le pied plonge dans la mer ; ayant perdu de l'altitude et se trouvant plus bas que les sommets, il dirigea son planeur Bardin vers le rocher des Bréquets, isolé en mer, près du Nez de Jobourg. Délibérément, il y plaqua l'appareil, qui fut détruit ; mais Thoret, indemne, put gagner la côte à la nage. Son parcours, 8 km 250, constituait alors le record mondial de distance qui put être homologué, grâce à l'audacieuse manoeuvre pour atteindre un point fixe, bien défini, alors que dans l'eau, c'eut été impossible.",
Le record raconté par Thoret lui-même
Dans l'article "La prouesse la plus émouvante du meeting de Vauville" le signataire G. H. [il pourrait s'agir de Georges Houard, rédacteur du journal Les Ailes] nous transmet le récit du vol que Thoret lui-même lui a adressé [6]

Comment le lieutenant Thoret, qui n'hésita pas, pour établir le record de la distance sur avion sans moteur, à survoler des falaises et des rochers et à amerrir dans la Manche, dut déployer successivement toutes ses qualités de pilote, de nageur et d'alpiniste.

Le dernier jour du meeting de Vauville, Thoret a battu le record de la distance sur planeur en effectuant un vol de plus de 8 kilomètres et en amerrissant dans la Manche. Comme son appareil, construit par M. Bardin, professeur à l'Ecole supérieure d'aéronautique, avait été prêt seulement deux jours avant la cloture du congrès, Thoret dut mettre les bouchées doubles. Il vola 1 h 14 secondes le vendredi, près de 3 heures le samedi. Et le dimanche il se mit en route pour un vol de durée ou de distance selon la nature des courants aériens. D'une lettre qu'il m'a adressée, je détache le récit de son raid, estimant qu'il... une belle leçon d'audace, puissante et ...
G. H.

"J'avais convenu avec M. Bardin d'essayer d'abord de la durée et, si le vent menaçait de faiblir, de partir pour l'épreuve de distance avec les falaises du Nez de Jobourg (ou plus loin encore) comme objectif. Ayant évalué, d'après des cartes postales et la carte, le relief de cette région, j'avais constaté avec satisfaction que la machine, en toile, en bois et en contreplaqué, et avec relativement peu de métal, devait flotter longtemps avant d'être disloquée par les vagues. D'autre part, j'ai nagé une fois, deux heures en eau douce. Le seul ennui est que je venais de déjeuner, mais je me suis entraîné à nager sans être à jeun.

Je commençai à voler assez longtemps entre VAUVILLE et Biville, cherchant à prendre le plus de hauteur possible. A 80 mètres de haut, je fis une première tentative pour passer la coupure de VAUVILLE, les coupures plutôt. Perdant trop d'altitude, je fis demi tour. Puis, la pluie commençant vers le Sud et le vent faiblissant un peu, je me décidai à partir. Un instant délicieusement angoissant fut celui où je mis le cap sur la quadruple trouée, brûlant mes vaisseaux, car, si je me faisais descendre après VAUVILLE, je devais me contenter de la deuxième place et malgré le plafond assez bas de mon planeur, qui n'était qu'une moto-aviette sans moteur, je voulais la première. Je survolai le village de VAUVILLE, frôlai le prieuré qui domine ce village et arrivai de l'autre côté des coupures, très bas malheureusement.Je réussis néanmoins, en frôlant les pentes du plus près qu'il était possible, et malgré des reliefs très variés, à rester en l'air et même à prendre un peu de hauteur. Jusque là, en cas de panne de vent, j'avais les petits pâturages de VAUVILLE, ceints de murs.

Dorénavant, les pentes se rapprochaient de la mer et, en bas, plus de plage mais la mer et des falaises à pic. Le coup d'oeil était délicieux, et je regrettai de ne pas avoir un cinéma à bord pour enregistrer le panorama, qui se déroulait à grande vitesse entre l'avant du fuselage et l'aile droite. Les pentes vues de si près, pleines d'oiseaux qui volaient à voile, car l'oiseau, s'il sait voler à voile autrement, ne méprise nullement le vent ascendant, les fougères frénétiquement agitées par le vent, dans certains couloirs où je m'empressais de serrer la pente de plus près. Parfois des rochers, annonciateurs de la grande falaise et dans le bas, la mer, pas très mauvaise, mais montante et heurtant d'énormes paquets d'eau, en énormes blocs. Je n'étais pourtant qu'à mi-pente et je souhaitais fort de pouvoir monter un peu, pour avoir moins de remous, une ascendance meilleure et, qui sait, la possibilité d'atterrir, si mal que ce soit, dans des champs bien petits et terriblement inclinés.

Un moment, dans un coin de terrain correspondant à un profil intéressant, j'eus une belle ascendance. Je respirai un peu mieux. Puis ce fut le voIle long des falaises. Ayant le vent trois quarts arrière, je marchais toujours très vite, et le fllm qui se déroulait pour moi seul était bien beau. Encore plus d'oiseaux, mais aucun être humain. Un village passe, assez loin dans les terres et plus haut que moi. Le vent est médiocre, moins bon qu'au départ de VAUVILLE. Des remous violents, les fameux "revolins" des falaises, me font descendre un peu, puis beaucoup. Je ne vole plus qu'à mi hauteur des falaises, frôlant les pics, et je commence à regretter de n'avoir pas suivi ma première inspiration : J'avais eu, en effet, plusieurs fois envie de faire demi-tour, pendant quelques instants, dans les coins de la belle ascendance, pour faire face au vent et m'enrichir un peu en altitude. J'y avais renoncé car, d'autre part, cela représentait des inconvénients :
D'abord le vent mollissait et il fallait avancer le plus vite possible avant qu'il ne tombe, et puis ma moto-aviette sans moteur étant un peu lourde pour un planeur, j'ai craint que les virages ne risquent de me faire perdre, presque tout, ce que j'aurais gagné. En outre, je trouvais plus élégant de faire mon raid sans courir de bordées et à grande vitesse. Des remous plus violents, dangereux même, étant donné ma proximité de la muraille rocheuse et son irrégularité, me firent perdre encore une parcelle du peu d'altitude que j'avais.

J'étais maintenant tout à fait certain de me poser sur la mer.Je baissais de plus en plus. Je voyais de mieux en mieux les vagues se briser sur les rochers et, au dessus de moi, la falaise était bien haute. J'aurais pu, ou revenir un peu en arrière, ou même me poser en face d'endroits moins inhospitaliers, mais il fallait, pour le record, prolonger l'agonie le plus loin possible et aller loin. Utilisant l'ascendance des moindres pointes, puis des moindres blocs que heurtaient les vagues, j'avançais toujours. Enfin, je vis que tout était fini."


Joseph Thoret à cheval sur l'épave du planeur Bardin après son amerrissage (atterrissage ?) sur les rochers des Bréquets [5]

"Je m'éloignai un peu en mer, pour ne pas être tout de suite drossé sur les rochers. Je "crabais"quand même vers le Nord, pour gagner encore un peu, profitant des moindres pulsations du vent pour allonger mon vol. J'avais devant moi, à ma droite, un gros îlot surmonté d'une longue perche. Je m'efforçais d'arriver le plus près possible de ce point, précieux jalon pour préciser le point d'atterrissage en ce terrain mouvant et sans repères. Mais j'arrivais sous le vent de l'îlot et de mauvais remous en résultaient. J'obliquai, un peu, à gauche pour prendre mieux le vent de face. L'eau se rapprochai de plus en plus.

C'était le moment de se préparer. En cas de capotage possible, j'arrachai des panneaux de contre-plaqué qui me coiffaient les épaules, et je me préparai à atterrir, assez ennuyé, mais aussi calme que sur un aérodrome. Atterrissage classique : Béquille et roues ensemble ; au dernier moment, un coup de manche à balai en montée, assez brutal, pour essayer de ne pas capoter, car, malgré tous mes efforts, j'allais assez vite au raz de l'eau. Enfin, un choc très léger, un freinage rapide des roues et du fuselage dans l'eau. Des gouttelettes jaillissant sur mes lunettes, j'arrache mon casque, et comme l'amerrissage a été aussi normal que celui d'un hydravion, je m'assieds sur mon fuselage, les pieds sur le siège et je réfléchis. L'eau n'entre pas, la machine est face au vent.Je me rassieds pour l'y maintenir par les gouvernes. Une aile se penche, touche l'eau et alourdie, refuse de remonter. Je vais m'asseoir de l'autre côté. J'ai devant moi le gros îlot, dont le vent m'éloigne, me poussant vers un petit îlot et vers la côte.Je descends dans l'eau tout habillé et je nage le long du fuselage. Je prends la béquille et essaie de remorquer la machine vers une petite anse de sable. Impossible, le vent est oblique.
Je reviens vers l'avant et remonte dans le fuselage. Des douaniers essaient en vain de mettre à l'eau un gros canot. Je leur fais signe de venir me prendre en remorque car, la machine étant absolument intacte, je voudrais essayer de l'amener à la plage pour tenter de l'embarquer sur un gros canot. Mais le canot est trop lourd pour si peu d'hommes, et les vagues et le vent me poussent sur le petit îlot. Le planeur ne veut pas mourir. Toutes les fois qu'une vague va le broyer sur les rocs, une masse d'eau s'interpose. Un courant m'entraîne enfm vers la côte.

Je ne vois plus l'anse ni le canot. Quelques litres d'eau dans le fuselage. Je me déshabille pour nager plus facilement. Je fais un lourd paquet de mes vêtements et je l'arrime sur le pont, au pied du grand mât, c'est-à-dire sur le dessus du plan contre la cabane. Des touristes me regardent danser sur la vague, du haut de la falaise. Je crie qu'on dise au canot de se hâter, car je vais bientôt être poussé à la côte. Une aile frôle le rocher, se pose sur un rebord, elle danse, avance, recule. Je cours sur elle et je débarque avec mon paquet de vêtements. Je repousse l'aile pour qu'elle ne se brise pas.Je reviens à la nage au fuselage. J'arrache les instruments de bord et le barographe officiel, que je sauve sans le mouiller.

Le planeur ne veut pas mourir. Je cours pieds nus sur le roc rugueux, repoussant tout ce qui menace de toucher le récif : l'aile, la queue. Le planeur, dansant, s'engage dans la coupure où il va mourir. L'antenne de l'indicateur de vitesse Bardin, à l'avant du fuselage, se rompt la première. C'est le signal de la débâcle. Je chausse mes espadrilles et m'habille un peu, puis mon lourd ballot sur l'épaule, le barographe à la main, sans le secouer, me souvenant que j'ai fait un peu d'alpinisme lorsque j'étais interné en Suisse à la fin de la guerre, j'entreprends l'ascension de la haute falaise. Il y a des aspérités où les mains et les pieds peuvent s'accrocher. Je pose le barographe que je redescendrai chercher. En dix minutes, je suis en haut, je monte une pente très raide, plus dangereuse encore que le roc à pic.Je pose mon baluchon sur le sentier.

Seconde ascension pour le barographe.Je reviens avec le tout par le sentier des douaniers, dans la direction des canots de sauvetage. On va en mettre un à la mer. Je crie qu'on m'attende. Je descends à grande vitesse. Les femmes disent qu'il n'y a plus d'homme à la mer, il ne faut pas risquer le canot pour sauver la machine. Les hommes se fâchent et nous embarquons. Nous dépassons, sans le voir, la coupure où est caché le planeur amphibie. Nous revenons en arrière. Le canot s'arrête, je descends à l'eau avec le bout d'une corde de 30 mètres, et nageant péniblement, la corde s'accrochant à mon pied, j'arrive au rocher à l'entrée de la coupure. Je ne puis aborder, les vagues risquant de me rejeter violemment. Je contourne et m'agrippe à des aspérités. Je monte, cours sur le roc, saute à l'eau et vais arrimer ma corde au guignol d'aileron.

Seules les deux ailes subsistent ; tout le reste, broyé déjà, tout autour relié par les fils de commande. Je repêche une bouteille d'aluminium du statoscope, les roues et le manche à balai. Je m'assieds près de la cabane, on me remorque, mon radeau est sous l'eau. Je claque des dents maintenant. Le remorquage est long.
Mon constructeur est là parmi la foule, navré et bien heureux. On hisse sur le sable, puis on cabre le tout sur les rochers, à l'abri du flot.
M. Carlier, Président de l'Association Française Aérienne, complètement bouleversé, me reproche énergiquement de lui avoir fait si peur : "Et il rit encore, cet idiot là". Puis, aussitôt, il m'embrasse sur les deux joues et c'est tout".



L'épave du B-1 est ramenée sur la grève au pied des falaises du Nez de Jobourg [5]
Les ailes n'ont pas trop souffert, mais le fuselage est détruit
Autre récit de Joseph Thoret relatant son record de distance de 1923 à Vauville
On peut lire dans [8] un autre récit de cette aventure, écrit bien plus tard par Thoret, transmis à Jacques Marceau, membre de la Commission historique de la Fédération française de vol à voile, par Claude Fronteau (un des acteurs des records établis aux Alpilles dans les années 1950),

Pour terminer, mentionnons le commentaire que fait Eric Nessler dans son Histoire du vol à voile français [9]
"Pour la fin du Congrès, Thoret réussit à parcourir la plus longue distance avec 8 km. 250. Le vol de Schulz n'ayant pas été homologué, la performance de ce
pilote constituait donc le record du monde. Ce dernier exploit se fit en vol de pente, en suivant la côte qui se terminait vers le nord par des falaises sans plages.
Thoret, qui était parti avec sa grenouille météorologique, s'était aussi assuré d'une certaine flottabiiité de son appareil Bardin; il alla donc le plus loin qu'il pût et se posa volontairement sur la mer, puis il gagna la rive à la nage. Prévoyante, la grenouille météo s'était éclipsée à temps par un saut hors de la carlingue, alors que le « Bardin » survolait encore les marais de Vauville ..."

Remarque : Nessler note (p 235) que Ferdinand SCHULTZ avait réalisé un vol de 50 km en Crimée [Théodosie], sans préciser de date. Il ne dit pas non plus s'il s'agit d'une distance en ligne droite.

SOURCES

[1] Le IIe Congrès expérimental, le vol à voile à Vauville, par Georges Houard, Les Ailes n° 112, jeudi 9 août 1923
[2] Le IIe Congrès expérimental d'aviation sans moteur, par Georges Houard, Les Ailes n° 113, jeudi 16 août 1923
[3] Le vent est venu et on vole à Vauville, par par Georges Houard, Les Ailes n° 114, jeudi 23 août 1923
[4] En dix jours d'importants résultats ont été acquis, par Georges Houard, Les Ailes n° 115, jeudi 30 août 1923
[5] Vauville, berceau du vol à voile, par Laurent Lefiliâtre, juin 2002. Ouvrage publié à compte d'auteur.
[6] La prouesse la plus émouvante du meeting de Vauville, par G.H., revue et date inconnues [via Pierre Chabrand, 28 août 2023].
[7] Vauville, haut-lieu du vol à voile français, par Georges Abrial, Aviasport 1969
[8] Récit de Joseph Thoret, par Joseph Thoret, Vieilles Plumes n° 14 p 78-79.
[9] Histoire du vol à voile français de 1506 à nos jours, par Eric Nessler, 1946, p 226.

Page créée le 27/08/2023 Dernière mise à jour le 19/09/2023
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